Un gaz à effet de serre oublié : pourquoi l'inaction face au méthane pourrait-elle saboter nos objectifs climatiques ?
Le méthane, 80 fois plus puissant que le gaz carbonique pour piéger la chaleur à court terme, est en hausse alarmante. Ce puissant gaz à effet de serre, pourrait compromettre les efforts climatiques si son émission continue de croître. Explications.
Le méthane (CH4), souvent éclipsé par le dioxyde de carbone (CO2) dans les débats sur le changement climatique, est pourtant un acteur majeur de l'augmentation des températures mondiales. Bien que ses concentrations dans l'atmosphère soient nettement inférieures à celles du CO2, son impact à court terme sur le réchauffement climatique est colossal.
Le CH4 est environ 80 fois plus puissant que le CO2 pour piéger la chaleur dans les 20 premières années suivant son émission. C'est pourquoi, si nous négligeons de le prendre en compte sérieusement, nos objectifs climatiques pourraient être compromis.
Responsable d'environ 0,5°C de réchauffement
Depuis des décennies, les scientifiques alertent sur la contribution croissante du méthane au réchauffement de la planète. Selon les derniers rapports du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC), le méthane est responsable d'environ 0,5°C du réchauffement global actuel, alors que le monde a déjà dépassé les 1,2°C depuis l'ère préindustrielle.
Pourtant, contrairement au CO2, qui reste dans l'atmosphère pendant des milliers d'années, le méthane se décompose plus rapidement, en une dizaine d'années. Cela signifie que si nous réduisons immédiatement les émissions de méthane, nous pourrions observer des effets positifs relativement rapides sur la limitation du réchauffement.
D'où vient ce gaz ?
Les émissions de méthane proviennent à la fois de sources naturelles et humaines. Les zones humides, par exemple, produisent du méthane lors de la décomposition de la matière organique sous l’eau. Mais l’activité humaine est responsable des deux tiers des émissions mondiales de méthane. Les principales sources anthropiques sont :
- l'Agriculture : en particulier l’élevage de ruminants (vaches, moutons) qui produisent du méthane lors de la digestion, et la culture du riz qui génère des émissions par la décomposition organique dans les rizières inondées.
- l'exploitation des combustibles fossiles : le méthane s’échappe lors de l’extraction, du traitement et du transport du gaz naturel, du pétrole et du charbon.
- les déchets : les décharges et les eaux usées dégagent du méthane lors de la décomposition de la matière organique en l’absence d’oxygène.
Ces sources humaines de méthane augmentent à un rythme alarmant. Entre 2000 et 2020, les émissions mondiales de méthane d'origine humaine ont crû de 15 à 20 %. Si cette tendance continue, nous risquons d’atteindre un réchauffement de 3°C d'ici 2100, bien au-delà des objectifs de l’Accord de Paris qui visent à limiter la hausse à 1,5°C ou 2°C.
Pas assez d'effort de réduction ?
Le problème du méthane est qu'il est souvent sous-estimé par rapport au CO2. Comme ses émissions sont moins volumineuses et qu’il se dissipe plus rapidement, il est parfois perçu comme un enjeu moins prioritaire. Cependant, cette vision est trompeuse : si nous n’agissons pas rapidement sur le méthane, nos efforts sur le CO2 pourraient ne pas suffire.
En 2021, plus de 150 pays ont signé le Global Methane Pledge, s’engageant à réduire les émissions de méthane de 30 % d’ici 2030. C’est un pas dans la bonne direction, mais pour atteindre cet objectif, nous devons accélérer les actions dans des secteurs clés.
Pourtant, les solutions sont à portée de main !
Les secteurs émetteurs de méthane peuvent réduire leurs émissions avec des solutions souvent peu coûteuses. Par exemple, l'industrie pétrolière et gazière pourrait réduire ses émissions de méthane de 40 % sans coûts nets, simplement en réparant les fuites de gaz dans les infrastructures existantes.
Dans l’agriculture, des innovations comme les additifs alimentaires peuvent réduire la production de méthane par les vaches, tandis que des pratiques agricoles améliorées, comme une meilleure gestion des rizières, peuvent réduire les émissions de méthane dans la culture du riz.
En diminuant ces émissions dès maintenant, nous pourrions gagner un temps précieux pour mener à bien des stratégies à plus long terme sur le CO2.
Références : Methane emissions are at new highs. It could put us on a dangerous climate path