Pourquoi les cyclones tuent-ils sur le long terme 300 fois plus que ce que l'on croyait ?

Une étude récente révèle que les cyclones sont responsables de 300 fois plus de décès à long terme que ceux recensés immédiatement après la tempête. Comment est-ce possible ? Et pourquoi cela est-il resté méconnu aussi longtemps ?

Selon l'étude, les cyclones auraient contribué à environ 3,6 à 5,7 millions de décès supplémentaires sur 85 ans, un chiffre qui rivalise avec les décès causés par les guerres.
Selon l'étude, les cyclones auraient contribué à environ 3,6 à 5,7 millions de décès supplémentaires sur 85 ans, un chiffre qui rivalise avec les décès causés par les guerres.

Les cyclones tropicaux, souvent appelés ouragans ou typhons, sont tristement célèbres pour leurs effets dévastateurs immédiats. Inondations, vents violents, destructions massives : les images de maisons détruites et de vies dévastées font régulièrement les gros titres.

Pourtant, ce que l'on ignore souvent, c'est que ces tempêtes continuent de faire des victimes bien après que les alertes météo ont cessé. Une étude récente, menée aux États-Unis et publiée dans Nature, révèle que la mortalité à long terme des cyclones est environ 300 fois supérieure à ce que l’on estimait jusqu’à présent.

La face cachée : un bilan humain plus lourd

Selon les chiffres officiels, un cyclone aux États-Unis tue en moyenne 24 personnes lors de son passage. Toutefois, les chercheurs de l'Université de Californie ont utilisé des modèles statistiques pour analyser les décès survenus après 501 cyclones ayant frappé les États-Unis entre 1930 et 2015. Ils ont découvert que les cyclones provoquaient des décès bien au-delà des effets immédiats.

Cette étude démontre que les cyclones entrainent entre 7 000 et 11 000 décès supplémentaires dans les 15 années qui suivent.

Pourquoi un tel écart ?

Plusieurs facteurs expliquent cette mortalité différée. Les cyclones causent des perturbations économiques majeures, des dommages aux infrastructures, une pollution accrue, ainsi qu’un stress psychologique intense qui affecte les communautés.

Par exemple, les familles affectées doivent souvent épuiser leurs ressources pour réparer les dégâts matériels, ce qui les laisse vulnérables face à d’éventuels problèmes de santé. De plus, dans de nombreux cas, les membres de la famille sont contraints de quitter la région pour trouver un emploi, privant ainsi les personnes âgées ou malades du soutien dont elles ont besoin.

Ces circonstances déclenchent une série d'événements en chaîne qui peuvent précipiter des décès des mois ou des années après le cyclone. En outre, les bébés nés cinq à dix ans après une tempête présentent un risque de mortalité accru.

Une inégalité alarmante

L’étude met également en lumière une réalité frappante : les communautés afro-américaines sont particulièrement vulnérables. Le taux de mortalité des personnes noires vivant dans les zones touchées est nettement plus élevé que celui des populations blanches. Entre 1930 et 2015, environ 15,6 % des décès chez les Afro-Américains dans ces régions sont directement attribuables aux conséquences différées des tempêtes.

Ces résultats révèlent une injustice sociale trop souvent ignorée : la fragilité des infrastructures sociales et économiques des communautés marginalisées les expose à des risques accrus à long terme. Les cyclones ne sont pas seulement des événements météorologiques intenses, ils sont aussi des révélateurs des inégalités sociales et des déficiences systémiques.

Un impact comparable aux guerres, exacerbé par le changement climatique

Selon cette étude, les cyclones auraient contribué à environ 3,6 à 5,7 millions de décès supplémentaires sur 85 ans, un chiffre qui rivalise avec les décès causés par des accidents de voiture, les maladies infectieuses ou même les guerres. Ces chiffres effrayants montrent à quel point nous avons sous-estimé les effets à long terme de ces catastrophes naturelles sur la santé publique.

Avec le réchauffement climatique, ces phénomènes deviennent plus fréquents et violents, ce qui risque d’aggraver encore leurs conséquences. Des régions jusqu'ici moins touchées pourraient voir leur taux de mortalité grimper de manière inquiétante si elles devaient être frappées à l'avenir. Par exemple, dans des États comme la Floride et la Louisiane, entre 8 % et 13 % des décès peuvent être attribués aux cyclones.

Si ces zones ont développé une certaine résilience, d’autres, moins préparées, pourraient être confrontées à une hausse dramatique de la mortalité.

Appel à la vigilance climatique

Les décès directs causés par les ouragans, bien que préoccupants, ne sont que la partie visible de l'iceberg. Les véritables ravages humains se déploient sur des décennies, avec des conséquences sanitaires et économiques souvent invisibles.

Cette étude souligne la nécessité urgente de renforcer les systèmes de soutien, que ce soit sur le plan sanitaire ou en matière de résilience économique, afin de protéger les communautés vulnérables bien après le passage des tempêtes. Il est également essentiel d’étendre l’assistance aux régions affectées au-delà de la phase de crise.

Plutôt que de se concentrer uniquement sur les dommages initiaux, les gouvernements et organisations internationales doivent mettre en place des initiatives durables pour consolider les infrastructures de santé et renforcer la résilience des populations vulnérables.

Références : Young, R., Hsiang, S. Mortality caused by tropical cyclones in the United States. Nature (2024). https://doi.org/10.1038/s41586-024-07945-5

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