Peut-on prédire les prochains méga-feux avant qu'ils ne frappent ?
En 2023-2024, 3,9 millions de km2 ont brûlé, libérant 2,4 milliards de tonnes de carbone, avec des émissions en hausse de 16 %. Comment les mégafeux pourraient façonner les scénarios climatiques futurs ?
Les incendies de forêt, autrefois des phénomènes saisonniers maîtrisables, deviennent de plus en plus imprévisibles. La hausse des températures, combinée à des périodes prolongées de sécheresse, réduit l'humidité des végétaux, créant ainsi des conditions idéales pour des incendies plus fréquents et plus violents.
Boucle de rétroaction positive
En 2023-2024, près de 3,9 millions de km² ont été ravagés par les flammes dans le monde, un chiffre légèrement inférieur à la moyenne des saisons précédentes. Cependant, les émissions de carbone liées aux incendies ont augmenté de 16 % par rapport à la moyenne, atteignant 2,4 pétagrammes de carbone.
Cela montre l'ampleur des émissions causées par les méga-feux. Ce paradoxe souligne l'importance de prendre en compte non seulement la superficie brûlée, mais aussi l'intensité et l'impact environnemental des incendies.
Pire encore, ces méga-feux ne font pas que répondre au changement climatique ; ils l’aggravent. Ce phénomène crée une boucle de rétroaction positive où les incendies contribuent au réchauffement climatique, qui, à son tour, augmente la fréquence et la gravité des incendies futurs.
Prévision : une lueur d'espoir ?
La prévision des incendies est une tâche complexe qui s'appuie sur divers modèles. Grâce à ces outils, les experts analysent les conditions météorologiques, la disponibilité du combustible et l'activité humaine. Les prévisions météo, par exemple, sont essentielles pour anticiper les périodes de risque élevé.
Au Canada, durant la saison des incendies de 2023, des signaux anormaux ont été détectés un à deux mois à l'avance, permettant de mieux se préparer. Cependant, cette capacité prédictive reste limitée à certaines régions et dépend largement des caractéristiques locales.
En Grèce et en Amazonie, les horizons de prévisibilité sont plus courts, en raison de la complexité des interactions entre climat, végétation et activités humaines. Pourtant, la modélisation actuelle montre que les anomalies de la superficie brûlée pourraient être jusqu'à 40 % plus élevées en raison du changement climatique dans certaines régions.
De plus, la probabilité d'une saison d'incendies extrêmes, comme celle vécue en 2023 au Canada, pourrait être multipliée par 6,3 à 10,8 d'ici la fin du siècle, selon un scénario d'émissions moyennes à élevées.
Défis - amélioration de la résilience
Malgré ces avancées, plusieurs défis subsistent. Tout d'abord, les prévisions dépendent fortement de la qualité des données disponibles. Les modèles actuels sont encore perfectibles et peinent à intégrer toutes les variables nécessaires, telles que les pratiques de gestion des terres ou les changements d'utilisation des sols.
De plus, les changements climatiques amplifient les incertitudes, rendant les prévisions plus difficiles et moins fiables à long terme.
Pour améliorer la prévision des incendies, il est essentiel d'investir dans la recherche et le développement de nouvelles technologies. L'utilisation de l'intelligence artificielle, pourrait permettre de mieux analyser les grandes quantités de données nécessaires pour affiner les modèles prédictifs.
Par ailleurs, une coopération internationale renforcée est nécessaire pour partager les connaissances et les ressources, surtout dans un contexte où les incendies ne connaissent pas de frontières.
Références : Jones, M. W., Kelley, D. I., Burton, C. A., Di Giuseppe, F., Barbosa, M. L. F., Brambleby, E., Hartley, A. J., Lombardi, A., Mataveli, G., McNorton, J. R., Spuler, F. R., Wessel, J. B. et al. (2024). State of wildfires 2023–2024. Earth System Science Data, 16(3601). https://doi.org/10.5194/essd-16-3601-2024