Ouragans et climat : que dit la recherche sur nos choix futurs ?

Les ouragans gagnent en intensité à cause du réchauffement climatique. En décodant les données récentes, la recherche éclaire nos choix relatifs à ces tempêtes dévastatrices.

Les ouragans gagnent en intensité à cause du réchauffement climatique.
Les ouragans gagnent en intensité à cause du réchauffement climatique.

Les études récentes établissent un lien indéniable entre le réchauffement climatique et l’intensification des ouragans.

Quand le climat dicte l'intensité des ouragans…

En 2024, l'Atlantique a connu une saison marquée par des tempêtes de plus en plus intenses. Les vitesses maximales des onze tempêtes observées ont augmenté de 9 à 28 mph (c'est-à-dire 14,5 km/h à 45,1 km/h), selon Climate Central. Des tempêtes tropicales, comme Debby et Oscar, sont devenues des ouragans, alimentées par des températures océaniques en hausse.

Les ouragans majeurs, Helene et Milton, ont vu leurs vents se renforcer de 16 mph et 23 mph (25,8 km/h à 37km/h) (respectivement, illustrant comment le réchauffement des océans agit comme un puissant carburant.

Mais comment se forment les ouragans ?

La formation des ouragans repose sur une série de conditions complexes, qui transforment une simple perturbation en un cyclone tropical. Tout commence par la présence d'une zone perturbée, comme un amas nuageux ou une onde tropicale. Ces zones, riches en humidité et instabilité, apparaissent souvent dans la Zone Intertropicale de Convergence, un vaste espace de mauvais temps près de l’équateur.

Cependant, les cyclones peuvent aussi émerger à partir de perturbations tempérées qui se tropicalisent en modifiant leur structure interne, passant d’un cœur froid à un cœur chaud. Sur les images satellites, ces embryons de cyclones sont identifiés comme des formations nuageuses avec un potentiel de convection profonde.

Un carburant indispensable alimente ensuite le phénomène : des océans chauds. La température de l’eau doit atteindre au moins 26°C sur une profondeur d’environ 50 mètres pour que l’évaporation fournisse l’énergie nécessaire. Si l’océan est trop froid, le cyclone s’affaiblit rapidement et disparaît.

Les vents environnants jouent également un rôle crucial. Ils doivent être homogènes en direction et en intensité de la surface jusqu’à la haute troposphère. En cas de cisaillement important, lorsque les vents changent de direction ou de vitesse en altitude, le cyclone perd sa cohésion et se désorganise.

Enfin, une condition incontournable est l’effet de Coriolis, lié à la rotation terrestre. Sans lui, le système ne peut se structurer. Cette force, absente près de l’équateur, devient suffisante à partir de 6 ou 7° de latitude, expliquant pourquoi les cyclones ne se forment pas directement au-dessus de cette région.

Plus intenses, plus fréquents ?

Les projections climatiques sont sans appel. Avec l'augmentation des gaz à effet de serre (GES), les cyclones deviennent non seulement plus intenses, mais également plus fréquents dans les catégories les plus élevées.

L’étude de Gilford et al. (2024) estime que les vents des ouragans de l’Atlantique sont en moyenne 8,3 m/s plus rapides qu’ils ne le seraient dans un monde sans réchauffement anthropique, une intensité qui équivaut souvent à une catégorie supplémentaire sur l’échelle Saffir-Simpson.

Depuis les années 1970, les cyclones de catégories 3 et plus sont en augmentation. À mesure que les températures océaniques montent, la probabilité de tels événements extrêmes ne cesse de croître, posant des défis majeurs pour les communautés côtières.

Atténuation ou adaptation ?

Face à ces défis, la recherche propose deux axes d’action : réduire les émissions pour limiter le réchauffement climatique et s’adapter aux nouvelles réalités. Réduire notre empreinte carbone permettrait de stabiliser la température des océans, mais cela prendra du temps.

En parallèle, l'adaptation devient incontournable. Des investissements ciblés dans les infrastructures côtières, la gestion des écosystèmes et l’amélioration des systèmes d’alerte précoce peuvent réduire considérablement les pertes humaines et économiques. Par exemple, en Floride, des projections montrent qu’une meilleure gestion des infrastructures pourrait diminuer de 30 % les dommages économiques liés aux ouragans majeurs.

À l’échelle mondiale, une coordination accrue est nécessaire, notamment pour soutenir les pays les plus vulnérables. Les Caraïbes, régulièrement frappées par des ouragans intenses, subissent des pertes pouvant atteindre 20 % de leur PIB annuel.

Des opportunités à saisir ?

Ironiquement, la lutte contre le changement climatique peut aussi offrir des opportunités. En fait, durant la COP 29, John Kerry a exprimé des doutes quant à la possibilité même de revenir à l’objectif de 1,5°C, soulignant que cela nécessiterait une réduction de 42 % des émissions mondiales d'ici 2030 et de 57 % d'ici 2035.

Malgré ces défis, une forte augmentation des investissements privés dans l'atténuation et l'adaptation pourrait offrir une lueur d'espoir. Pour combler l'écart financier, il suffirait de rediriger entre 1 % et 6 % des actifs mondiaux sous gestion vers l’action climatique.

En mobilisant seulement 1 % des actifs mondiaux sous gestion, soit environ 1320 milliards de dollars (sur un total de 132000 milliards de dollars en juin 2024), il serait possible de financer une part significative des besoins climatiques mondiaux. Ces besoins sont estimés entre 1200 et 1700 milliards de dollars par an d'ici 2030 pour l'adaptation et la réduction des émissions, principalement dans les pays émergents et en développement.

Références : Gilford, D. M., Giguere, J., & Pershing, A. J. (2024, November 20). Human-caused ocean warming has intensified recent hurricanes. IOP Publishing Ltd. DOI 10.1088/2752-5295/ad8d02

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