Papillon : comment les monarques se repèrent-ils sans carte ?
En ce moment même, des millions de papillons monarques sont en train de rejoindre le Mexique afin de passer l'hiver là où les températures sont plus clémentes. Certains viennent du nord des États-Unis voire du Canada, mais comment cet insecte arrive-t-il à se repérer sur d'aussi longues distances ?
Le papillon monarque est la seule espèce de papillon connue pour sa capacité à migrer dans les deux sens, comme les oiseaux. Les forêts du Michoacan, au Mexique, se transforment actuellement en une bourrasque tourbillonnante orange et noire, les couleurs des ailes de ces papillons. Avec la baisse des températures, ces insectes volants finissent par migrer, du nord des États-Unis ou du Canada, et parcourent jusqu'à 1 800 kilomètres avant d'arriver au Mexique où ils pourront s'installer en grands groupes denses et attendre la fin de l'hiver.
Ces papillons se lancent dans ce voyage sans carte, ni GPS. Et leur courte durée de vie fait qu'il n'y a environ qu'une génération de monarques sur cinq qui effectuera cette migration. Mais le changement climatique et la déforestation menacent ces animaux. Un rapport du gouvernement mexicain et du Fonds mondial pour la nature estime que la surface de forêt occupée par les monarques en hibernation au Mexique est en baisse depuis des décennies, passant de six hectares à trois. L'année dernière, les papillons n'ont occupé que deux hectares.
Si leur territoire d'hibernation se réduit d'année en année, comment réussissent-ils à se guider durant la traversée ? Des scientifiques pensent avoir découvert leurs techniques de navigation interne qui les aide à se repérer.
Navigation interne et solaire :
Dans une étude publiée en 2019 dans Frontiers in Ecology and Evolution, les chercheurs ont découvert que la plupart des monarques s'envolaient lorsque le soleil est à environ 57° au dessus de l'horizon, peu importe leur position de vol, de Winipeg au Canada ou à Lawrence au Kansas. Ils ont réussi à déterminer qu'il existe une fenêtre d'opportunité pour leur vol : lorsque le soleil de midi est entre 57° et 48°. Même si le soleil joue un rôle déterminant, c'est surtout les antennes des papillons qui les aident à se diriger.
C'est en tout cas ce qu'a révélé une équipe de neurobiologistes de la faculté de médecine Chan de l'Université du Massachusetts en 2009. Les chercheurs s'étaient rendus compte que sans la lumière du soleil, les horloges internes des monarques continuaient de fonctionner : "C'est la première preuve que les antennes pourraient réguler directement une fonction cérébrale", expliquait Steven Reppert, auteur principal de l'étude en 2009.
Mais une étude réalisée le mois dernier par Jerome Beetz et Basil el Jundi du Biocentre de Julius-Maximilians-Universität Würzburg en Allemagne démontre que les papillons monarques n'utilisent leur boussole solaire que durant leur vol. "Étonnamment, les cellules nerveuses modifient leur stratégie de codage pendant le vol, de sorte que le réseau de neurones représente la direction des papillons par rapport au Soleil de la même manière qu'une boussole".
"Notre publication démontre de manière unique que même un cerveau de la taille d'un grain de riz est un organe très complexe qui permet aux insectes d'accomplir des comportements aussi étonnants", déclare Jerome Beetz.
L'instinct animal :
Alana Wilcox, une biologiste de la conservation qui a étudié les monarques à l'Université de Guelph au Canada, a partagé avec ses collègues leurs recherches : même les papillons élevés en laboratoire se dirigent instinctivement dans la direction du sud au sud-est. C'est donc totalement inné chez ces insectes volants. Pour vérifier cela, l'équipe de scientifiques ont équipé un groupe de monarques élevés en captivité avec des émetteurs radio et les ont ensuite relâché dans la nature afin de suivre leur voyage.
Ils sont même capables de survivre dans la nature après avoir été relâchés. D'anciennes recherches montrent que les monarques élevés en captivité ont un succès migratoire inférieur à ceux des papillons sauvages. Mais selon Alana Wilcox, même si la captivité désoriente temporairement les papillons, leurs systèmes de navigation se rétablit dès lors qu'ils sont exposés à des indices environnementaux, comme la lumière naturelle du soleil.