Les engrais azotés sont-ils vraiment indispensables malgré leur coût environnemental ?

L'utilisation des engrais azotés est cruciale pour la production agricole mondiale. Cependant, leur impact environnemental, notamment via les émissions de protoxyde d'azote, soulève des questions sur leur durabilité à long terme.

Engrais azotés.
Engrais azotés.

Les engrais azotés sont essentiels pour soutenir l'agriculture moderne en améliorant la croissance des cultures et en augmentant les rendements. Cependant, leur utilisation extensive entraîne des conséquences environnementales significatives, principalement sous forme d'émissions de protoxyde d'azote (N2O), un gaz à effet de serre extrêmement puissant.

Un outil agricole indispensable ?

Les engrais azotés ont révolutionné l'agriculture depuis leur introduction au début du 20ème siècle. Ils fournissent une source essentielle de nutriments pour les plantes, permettant une augmentation significative des rendements agricoles.

Cela est particulièrement crucial dans un contexte où la population mondiale continue de croître, entraînant une demande accrue de nourriture. Selon le rapport de la FAO, les engrais azotés ont joué un rôle clé dans l'augmentation des rendements céréaliers mondiaux de 250 % depuis les années 1960.

Impact environnemental préoccupant

Malgré leurs avantages agricoles, les engrais azotés sont responsables de 35 % des émissions anthropiques de protoxyde d'azote, une contribution majeure au changement climatique. Le protoxyde d'azote est environ 270 fois plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2) en termes de potentiel de réchauffement global.

De plus, ces émissions ont augmenté de 40 % au cours des quatre dernières décennies, une tendance principalement attribuée à la demande croissante en produits laitiers et carnés.

Les processus agricoles, y compris l'utilisation d'engrais azotés et le fumier, représentent près des trois quarts des émissions humaines de N2O. Le rapport du Global Carbon Project met en lumière que les concentrations actuelles de protoxyde d'azote dans l'atmosphère ont déjà dépassé les trajectoires d'émissions les plus élevées projetées.

Les concentrations actuelles de protoxyde d'azote dans l'atmosphère ont déjà dépassé les trajectoires d'émissions les plus élevées projetées.
Les concentrations actuelles de protoxyde d'azote dans l'atmosphère ont déjà dépassé les trajectoires d'émissions les plus élevées projetées.@GlobalCarbonProject

Cette augmentation rapide pose un risque sérieux pour l'objectif de limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2°C.

Alternatives et solutions potentielles

Face à ces défis, il est impératif d'explorer des alternatives et des solutions pour réduire l'impact environnemental des engrais azotés sans compromettre la sécurité alimentaire. Des pratiques agricoles améliorées, telles que la gestion précise des nutriments, peuvent réduire les émissions de N2O.

L'application ciblée d'engrais en fonction des besoins spécifiques des cultures et des conditions du sol peut minimiser les pertes d'azote dans l'atmosphère. Cela peut compter parmi les solutions.

Par ailleurs, le développement et l'adoption de cultures fixatrices d'azote et l'utilisation de biofertilisants peuvent également contribuer à réduire la dépendance aux engrais synthétiques.

Des recherches récentes indiquent que les légumineuses et d'autres plantes capables de fixer l'azote atmosphérique pourraient offrir une alternative durable, en diminuant le besoin en engrais azotés synthétiques et en réduisant les émissions de N2O.

Efforts de réduction des émissions

Certains pays ont réussi à réduire leurs émissions de N2O. A titre d'exemple, l'Europe a diminué ses émissions de 31 % depuis les années 1980 grâce à des régulations plus strictes et à l'adoption de pratiques agricoles plus durables.

En revanche, les émissions des économies émergentes, comme la Chine, ont considérablement augmenté, faisant de ces pays les principaux émetteurs actuels.

Le rôle de la politique et de la réglementation

Pour faire face à ces défis, les politiques et réglementations doivent encourager l'adoption de pratiques agricoles durables. Les subventions et les incitations financières pour les agriculteurs qui adoptent des technologies et des pratiques réduisant les émissions de N2O peuvent jouer un rôle crucial.

Le GIEC et d'autres organismes internationaux appellent à une surveillance accrue des émissions de N2O, notamment dans les écosystèmes tropicaux et les régions à forte utilisation d'engrais. Il est nécessaire d'élaborer des stratégies efficaces de réduction.

La mise en place d'un réseau global de surveillance et de modélisation des émissions de N2O, de la surface à la stratosphère, est essentielle pour évaluer les efforts de réduction et contribuer au bilan global du climat des Nations Unies.

Les engrais azotés sont indéniablement un pilier de l'agriculture moderne, mais leur coût environnemental ne peut être ignoré. La transition vers des pratiques agricoles plus durables et l'adoption de nouvelles technologies sont essentielles pour équilibrer les besoins alimentaires mondiaux avec la nécessité urgente de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Références : Tian, H., Pan, N., Thompson, R. L., Canadell, J. G., Suntharalingam, P., Regnier, P., Davidson, E. A., Prather, M., Ciais, P., Muntean, M., et al. (2024). Global nitrous oxide budget (1980–2020). Earth System Science Data, 16, 2543–2585. https://doi.org/10.5194/essd-16-2543-2024

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