La psychologie sociale peut-elle être un outil puissant dans la lutte contre le changement climatique ?

La psychologie est de plus en plus sollicitée pour contribuer à la lutte contre le changement climatique. Cet article explore les domaines clés où cette discipline peut apporter des solutions innovantes et efficaces pour répondre à cette crise mondiale.

La psychologie joue un rôle crucial en aidant à comprendre comment les individus et les groupes agissent face à l'urgence climatique.
La psychologie joue un rôle crucial en aidant à comprendre comment les individus et les groupes agissent face à l'urgence climatique.

Le changement climatique représente un défi complexe qui requiert une approche multidimensionnelle. Si la recherche scientifique est indispensable pour cerner ses origines et ses répercussions, les sciences sociales jouent un rôle tout aussi crucial. Elles permettent de saisir comment les individus et les groupes réagissent et agissent face à cette crise mondiale, ouvrant ainsi la voie à des solutions innovantes et adaptées.

Comprendre les émotions

L'anxiété liée au climat et l'angoisse existentielle face à l'avenir de la planète sont des préoccupations croissantes pour de nombreuses personnes. Selon une étude publiée dans The Lancet en 2021, 84% des jeunes âgés de 16 à 25 ans dans 10 pays, à savoir l' Australie, le Brésil, la Finlande, la France, l'Inde, le Nigeria, les Philippines, le Portugal, le Royaume-Uni, et les Etats-Unis, sont au moins modérément inquiets du changement climatique tandis que 59% sont très ou extrêmement inquiets.

Inquiétude des jeunes de 16-25 ans au sujet du changement climatique et de ses impacts.
Inquiétude des jeunes de 16-25 ans au sujet du changement climatique et de ses impacts. @Caroline Hickman et al. 2021.

Ces émotions peuvent servir de moteur pour l'action, mais elles peuvent aussi être paralysantes. Pour franchir cette barrière, les psychologues sociaux recommandent de fournir un soutien émotionnel et de créer des espaces pour les conversations sur le changement climatique. Les personnes qui se sentent soutenues et entendues sont plus susceptibles de prendre des mesures concrètes pour lutter contre le changement climatique, même si elles sont confrontées à des émotions complexes.

Influence des identités sociales

Une autre contribution de la psychologie sociale est la compréhension de la façon dont les identités sociales influencent les attitudes et les comportements des individus. Les chercheurs ont découvert que les individus sont davantage enclins à adopter des attitudes et des comportements pro-environnementaux s'ils s'identifient comme faisant partie d'un groupe qui valorise ces actions.

Par exemple, si une personne se sent fortement identifiée à un groupe écologiste, elle sera plus à même d'adopter des comportements respectueux de l'environnement (recyclage, participation à une manifestation sur le climat…) afin de préserver l'identité de son groupe. Cela peut donc être utilisé pour promouvoir des actions positives en faveur du climat en les associant à des groupes sociaux spécifiques, renforçant ainsi leur identité et leur motivation d'agir.

La théorie de l'auto-catégorisation" est une extension de la théorie de l'identité sociale. Elle propose que les personnes ne se considèrent pas seulement comme membres de groupes sociaux distincts, mais qu'elles peuvent également se voir comme faisant partie de catégories plus larges et inclusives. Par exemple, une personne peut se considérer à la fois comme membre d'un groupe écologiste spécifique et d'une catégorie plus large de citoyens du monde soucieux de l'environnement.

Stratégies de communication efficaces

Les chercheurs ont constaté que les messages qui mettent en évidence les conséquences positives des actions pro-environnementales, comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre, sont plus efficaces que ceux qui mettent en évidence les conséquences négatives, comme les risques pour la santé.

De plus, les messages qui font appel aux valeurs personnelles et qui fournissent des solutions pratiques sont plus susceptibles d'inciter les gens à agir.

Et le déni climatique ?

Le déni climatique peut être causé par des motivations telles que la peur du changement ou la peur des conséquences économiques. Les personnes qui nient le changement climatique peuvent également être influencées par leur identité sociale ou leur affiliation à un groupe qui conteste le consensus scientifique.

Pour surmonter le déni climatique, les psychologues recommandent d'adopter une approche nuancée et empathique. Il est important d'écouter les préoccupations des personnes qui nient le changement climatique et de chercher des moyens de les impliquer dans la lutte contre cette crise qui soient en accord avec leurs valeurs et leurs intérêts.

A titre d'exemple, les individus préoccupés par les conséquences économiques du changement climatique peuvent être encouragés à soutenir des solutions qui créent des emplois dans les énergies renouvelables ou qui promeuvent des pratiques agricoles durables.

Repenser nos systèmes pour un avenir durable

Alors que les actions individuelles sont importantes, elles ne suffisent pas à elles seules pour résoudre la crise climatique. Comme le soulignent Schmitt et al., il est nécessaire de revoir fondamentalement nos systèmes politiques et économiques pour parvenir à un changement significatif.

Nous n'éviterons pas la catastrophe climatique en nous limitant à des actions individuelles qui s'inscrivent dans le cadre des systèmes politiques et économiques qui ont rendu possible un changement climatique catastrophique. Nous devons envisager des systèmes alternatifs qui s'attaquent aux problèmes du système qui nous fait actuellement défaut. Schmitt et al. (2020, p. 132)

Cela signifie repenser la manière dont nous produisons, consommons et distribuons les ressources, tout en remettant en question les modèles de croissance infinie qui ont conduit à la situation actuelle. Un changement systémique implique également de repenser nos valeurs et priorités en tant que société, en favorisant la durabilité environnementale et le bien-être social plutôt que les profits à court terme.

Référence : Hickman, C., Marks, E., Pihkala, P., Clayton, S., et al. (2021). Climate anxiety in children and young people and their beliefs about government responses to climate change: a global survey. The Lancet Planetary Health, 5(12). https://doi.org/10.1016/S2542-5196(21)00278-3

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