L'horloge du réchauffement climatique avancée d'au moins dix ans ? Les éponges marines défient les estimations du GIEC !
Une nouvelle étude avance que la planète aurait déjà dépassé le seuil du réchauffement climatique de 1,5°C fixé par l'Accord de Paris. Cette conclusion suscite la controverse parmi les scientifiques spécialisés dans le climat.
Alors que les débats font rage au sein de la communauté scientifique, une chose reste claire : il est nécessaire de continuer à explorer les multiples facettes du changement climatique.
Les révélations des éponges marines des Caraïbes
Une étude récente menée par des scientifiques de l'Université de Western Australia, de l'Université d'État de l'Indiana et de l'Université de Puerto Rico- Mayagüez, publiée dans la revue Nature Climate Change, apporte de nouvelles perspectives sur le réchauffement climatique.
En examinant une demi-douzaine de sclérosponges, des éponges marines capables d'enregistrer les variations de température de l'eau dans leur squelette carbonaté, les scientifiques ont pu remonter le temps et reconstituer l'évolution de la température de l'océan depuis les années 1700.
Ces éponges prélevées à Porto Rico, ont révélé un début de réchauffement dès les années 1860, bien plus tôt que ce que les modèles précédents avaient suggéré.
Les sclérosponges : témoins silencieux du climat
Les sclérosponges, également appelés éponges calcaires, sont des organismes marins à croissance lente, vivant dans les eaux chaudes des Caraïbes et du Brésil. Leur particularité réside dans leur squelette carbonaté qui agit comme une sorte de "carnet de bord", en enregistrant les variations de températures de l'eau au fil du temps.
Ces éponges peuvent vivre pendant des siècles, accumulant des couches de strontium et de calcium dans leur squelette en réponse aux changements de température de leur environnement. Cette singularité du sclérosponge offre aux scientifiques une chronologie détaillée des températures océaniques passées.
En analysant ces couches à l'aide de techniques sophistiquées, les chercheurs peuvent reconstruire avec une précision remarquable l'évolution du climat sur des périodes allant jusqu'à plusieurs centaines d'années. Cette méthode permet non seulement de documenter les changements climatiques passés, mais aussi d'anticiper les tendances futures en comprenant les mécanismes sous-jacents du climat.
Un petit rappel
Les êtres humains ont commencé à libérer des gaz à effet de serre dans l'atmosphère depuis des siècles, ce qui a conduit à une élévation de la température moyenne mondiale, engendrant ainsi le changement climatique. Ce changement climatique d'origine anthropique est généralement mesuré en fonction de l'augmentation moyenne de la température mondiale par rapport à une "ligne de base préindustrielle".
Le Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat (GIEC), utilise la température moyenne sur la période de 1850 à 1900 comme référence historique. La planète s'est déjà réchauffée d'environ 1,2°C par rapport à cette période.
Une référence remise en question ?
Les résultats de l'étude publiée le 05 février 2024, révèlent un réchauffement océanique dû aux activités humaines dès le milieu du XIXème siècle, c'est-à-dire, environ quarante ans plus tôt que ce que le GIEC avait estimé. Cette découverte remet en question notre compréhension de la période préindustrielle et soulève des questions cruciales sur la manière dont nous interprétons les données climatiques passées.
Malcolm McCulloch, géochimiste marin et auteur principal de l'étude, souligne que depuis les années 1860, le réchauffement global a été supérieur d'un demi-degré aux valeurs estimées par le GIEC. Cette réévaluation met en lumière l'urgence d'agir pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et freiner le réchauffement climatique.
Les objectifs fixés par l'Accord de Paris, visant à contenir le réchauffement bien en-dessous de 2°C, par rapport aux niveaux préindustriels, semblent déjà avoir été dépassés, selon les chercheurs. Il est possible que nous ayons déjà franchi le seuil critique, avec un réchauffement climatique potentiellement de 1,7°C au-dessus des niveaux préindustriels. On estime que la barre des 2°C pourrait être atteinte d'ici la fin des années 2020.
Résultats controversés ?
Les réactions d'experts divergent sur l'interprétation de ces résultats. Certains soulignent que ces découvertes ne modifient pas fondamentalement les objectifs de l'Accord de Paris, car les impacts du changement climatique sont définis en fonction de températures globales mesurées, et non du point de départ de référence.
D'autres expriment des réserves quant à la façon dont les résultats sont interprétés, insistant que les données proxy des éponges ne peuvent pas remplacer les enregistrements globaux, et que les incertitudes entourant les méthodes de calibrage et la représentativité des échantillons remettent en question la conclusion selon laquelle le seuil de 1,5°C aurait déjà été dépassé.
Malgré ces divergences, tous les experts s'accordent sur l'urgence d'agir pour réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre et limiter les impacts du changement climatique, afin d'éviter un avenir encore plus sombre.
Révision du passé, appel à l'action présente
Ces nouvelles données pourraient avoir un impact significatif sur les politiques climatiques mondiales. Si le GIEC adoptait ce nouveau cadre, les seuils de réchauffement fixés par l'Accord de Paris devraient être révisés à la hausse, réduisant ainsi la marge de manœuvre des Etats signataires pour respecter leurs engagements.
Cette perspective met en évidence l'importance fondamentale de repenser nos stratégies d'atténuation du changement climatique et d'agir de manière décisive pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Amos Winter, coauteur de l'étude, insiste justement sur l'urgence d'agir dès maintenant afin d'éviter les pires conséquences du réchauffement climatique.
Référence : McCulloch, M.T., Winter, A., Sherman, C.E et al. 300 years of sclerosponge thermometry shows global warmin has exceeded 1.5°C. Nat. Clim. Chang. 14, 171-177 (2024). https://doi.org/10.1038/s4155802301919-7