L'Europe devient une fournaise : combien de morts avant des mesures fortes ?
Les vagues de chaleur mortelles se multiplient en Europe. Une nouvelle étude prédit une hausse drastique des décès liés à la chaleur. Quelles actions concrètes peuvent encore éviter le pire ?

L'Europe suffoque. Les records de chaleur tombent année après année, et avec eux, les bilans humains s'alourdissent. Une étude récente publiée dans Nature Medicine confirme une tendance angoissante : sans adaptation massive, les décès liés à la chaleur surpasseront ceux du froid dès 2050. Allons-nous enfin nous réveiller ?
Hausse vertigineuse des décès liées à la chaleur
Jusqu'à présent, le froid causait plus de décès que la chaleur en Europe, dans un ratio d'environ 10 pour 1. Mais avec le réchauffement climatique, cette équation est en train de basculer.
L'étude prévoit qu'entre 2050 et 2054, le nombre de décès liés à la chaleur pourrait dépasser ceux dus au froid de 12 décès pour 100 000 habitants. Et d'ici la fin du siècle, ce chiffre pourrait grimper à 50 pour 100 000 habitants dans les scénarios les plus pessimistes.
Dr Garyfallos Konstantinoudis de l'Imperial College London avertit que la chaleur extrême, amplifiée par l'urbanisation croissante et le vieillissement de la population, accroît la vulnérabilité des personnes, particulièrement, les plus fragiles.
Des villes au bord de la catastrophe
L'étude pointe particulièrement les grandes villes du sud de l'Europe. Barcelone, Rome, Naples, Madrid, Milan et Athènes figurent parmi les zones où la mortalité pourrait exploser. Pourquoi ? Parce que ces villes souffrent d'un effet d'îlot de chaleur urbain exacerbé par le béton, la pollution et le manque d'espaces verts.
Dr Raquel Nunes, de l'Université de Warwick, alerte : "Nos systèmes de santé ne sont pas préparés à faire face à un tel afflux de patients victimes de la chaleur. Les populations les plus à risque, comme les personnes âgées et les plus précaires, seront les premières touchées."
Quelles solutions pour éviter l'hécatombe ?
L'étude met en avant une vérité essentielle : ces décès ne sont pas une fatalité. Avec des mesures adaptatives fortes, la mortalité pourrait être largement réduite. Le professeur Simon Gosling, de l'Université de Nottingham, insiste :
Parmi les solutions envisagées, l’augmentation des espaces verts dans les villes apparaît comme une réponse essentielle. En favorisant la végétalisation des toits et la plantation d’arbres, il devient possible d’abaisser la température urbaine et de réduire l’effet d’îlot de chaleur.
L’urbanisme doit aussi évoluer en intégrant des matériaux réfléchissants et en repensant la circulation de l’air dans les rues.
Pour protéger la santé publique, les gouvernements et les décideurs politiques doivent investir dans des systèmes d’alerte précoce, et des améliorations des infrastructures pour aider les individus à rester au frais et en sécurité.
Il est également fondamental d'effectuer des campagnes d’éducation du public, d’encourager des changements de comportement, comme limiter les activités extérieures aux heures les plus chaudes et sensibiliser la population aux dangers de la chaleur.
Incertitudes à prendre en compte
Si cette étude est robuste et s'appuie sur des données solides, elle présente néanmoins certaines limites. Dr Luke Parsons, de The Nature Conservancy, souligne que les chiffres ne couvrent qu'environ 40 % de la population analysée, ce qui signifie que l'impact réel pourrait être encore plus dramatique.
Plusieurs facteurs restent incertains. Le rôle des migrations climatiques, par exemple, pourrait modifier la répartition des populations et leur exposition à la chaleur.
De même, l’évolution des comportements et des infrastructures influencera notre capacité d’adaptation, tout comme l’impact des maladies saisonnières, telles que les infections respiratoires en hiver, qui pourraient fausser les estimations des décès liés au froid.
Malgré ces incertitudes, les tendances restent claires : sans action forte, les morts liées à la chaleur vont exploser.
Agirons-nous assez vite ?
Si les projections sont claires, l'incertitude demeure sur la volonté politique d'agir. Le Professeur Tim Osborn, de l'Université d'East Anglia (UEA), rappelle que chaque fraction de degré compte :
L'Europe a déjà connu des étés meurtriers. En 2003, une vague de chaleur avait causé 70 000 morts. Depuis, les épisodes de canicule sont devenus plus fréquents, plus longs et plus intenses.
Il est encore temps d'agir. Mais plus pour longtemps.
Références de l'article :
Masselot, P., Mistry, M.N., Rao, S. et al. Estimating future heat-related and cold-related mortality under climate change, demographic and adaptation scenarios in 854 European cities. Nat Med (2025). https://doi.org/10.1038/s41591-024-03452-2
Science Media Centre. (2025, 27 janvier). Expert reaction to study estimating future heat-related and cold-related deaths in Europe under climate change.