Justice climatique : qui défend les perdants dans la course à la neutralité carbone ?

Une nouvelle étude révèle que les plus fragiles sont souvent exclus des politiques climatiques. Pour une transition juste, travailleurs, peuples autochtones, communautés marginalisées et citoyens se battent. Où en est-on ?

Les politiques climatiques doivent adopter des processus inclusifs, transparents et équitables.
Les politiques climatiques doivent adopter des processus inclusifs, transparents et équitables.

La transition vers une économie verte est bien souvent présentée comme la solution ultime pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais dans cette course à la neutralité carbone, des voix s’élèvent pour rappeler que les coûts sociaux et humains de cette transformation sont loin d’être équitables.

Une étude récente, menée par une équipe de chercheurs de 16 universités et publiée dans Nature Sustainability, met en lumière ce phénomène. Cette recherche a introduit le concept de « litiges pour une transition juste », des procès qui visent à garantir une transition écologique équilibrée, prenant en compte les droits des groupes vulnérables.

Quand la justice climatique rencontre les tribunaux

Contrairement aux procès climatiques classiques qui visent à sanctionner les gouvernements ou entreprises pour leur inaction climatique, les « litiges pour une transition juste » placent la justice sociale au cœur des débats. Dans cette perspective, ce n’est pas seulement la réduction des émissions de carbone qui compte, mais aussi l’équité avec laquelle cette réduction est mise en œuvre.

Prenons le cas des travailleurs du secteur charbonnier au Chili. Alors que le gouvernement chilien annonçait la fermeture progressive des centrales à charbon, ces travailleurs se sont sentis trahis, exclus des discussions politiques concernant leur avenir.

Ils ont donc porté l’affaire devant la Cour suprême du pays, qui leur a donné raison en exigeant que les politiques de transition soient élaborées en concertation avec les communautés touchées. L’arrêt de cette cour a souligné un point essentiel :

Une transition écologique réussie doit inclure les voix de ceux qui en subiront les conséquences directes.

Un autre exemple marquant vient de Norvège, où le peuple autochtone Sami a contesté l’installation de fermes éoliennes sur ses terres. La Cour suprême de Norvège a finalement jugé que ces projets violeraient les droits culturels des Samis, qui utilisent ces terres pour l’élevage de rennes. Cet arrêt est une victoire importante pour les défenseurs des droits des peuples autochtones et met en lumière l'importance de respecter les droits culturels dans la transition énergétique.

La quête de la neutralité carbone : à quel prix ?

Au-delà des cas emblématiques, ces litiges montrent que les politiques climatiques peuvent avoir des conséquences inattendues, voire dommageables, pour des communautés souvent marginalisées.

Selon l’étude, les principaux plaignants dans ces procès incluent des travailleurs, des peuples autochtones, des femmes, des enfants, ainsi que d’autres groupes vulnérables rarement représentés dans les processus décisionnels.

Les experts en transition juste identifient trois formes de justice à respecter pour garantir l’équité dans les politiques climatiques.

  • La première est la justice distributive, qui s’intéresse à la répartition équitable des ressources et des responsabilités.
  • En second lieu, la justice procédurale insiste sur l’importance de la participation de toutes les parties prenantes dans les décisions.
  • Enfin, la justice de reconnaissance vise à respecter et intégrer les particularités culturelles des groupes marginalisés.

En Colombie, des peuples autochtones ont également poursuivi l’État, arguant que les politiques de reboisement mises en place sur leurs terres menacent leur autodétermination et leur intégrité culturelle. Ces exemples soulignent une réalité : même les projets visant à protéger l’environnement peuvent, s’ils ne sont pas gérés équitablement, provoquer de nouvelles injustices.

La justice climatique, un pilier pour des politiques durables

La multiplication des cas de litige pour une transition juste souligne l'importance de considérer l'impact social des politiques climatiques. En effet, pour être réellement efficaces et acceptées par tous, les politiques de transition doivent adopter des processus inclusifs, transparents et équitables. Les communautés concernées doivent être intégrées aux discussions sur la propriété foncière et l'avenir de l'emploi, car une transition qui ne tient pas compte de ces facteurs est vouée à rencontrer des résistances et des blocages.

La justice climatique repose sur une idée simple : les efforts pour réduire les émissions de carbone doivent aller de pair avec une prise en compte des injustices sociales, afin de ne pas créer de nouveaux laissés-pour-compte. Le soutien à une transition verte ne peut être universel que si cette transition respecte ceux dont la vie est directement affectée.

Références : Savaresi, A., Setzer, J., Bookman, S. et al. Conceptualizing just transition litigation. Nat Sustain (2024). https://doi.org/10.1038/s41893-024-01439-y

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