Géoingénierie : recherche ou régulation ? Les experts plaident pour un changement de stratégie.
D’après une étude récente, la régulation doit absolument précéder la recherche dans le domaine de la géoingénierie. Pourquoi cette approche est-elle nécessaire selon les experts ? Découvrez leurs explications.
Le concept de pouvoir ajuster le climat à volonté semble à la fois fascinant et terrifiant. Cette notion se trouve au cœur de la géoingénierie. Alors que les changements climatiques s'intensifient, certains voient dans ces technologies une bouée de sauvetage, tandis que d'autres y décèlent un danger aux conséquences imprévisibles.
Géoingénierie : de quoi parle-t-on vraiment ?
La géoingénierie, c’est un peu comme jouer aux apprentis sorciers avec le climat. Elle regroupe un ensemble de techniques visant à modifier les équilibres naturels de la Terre pour atténuer les effets du changement climatique.
Parmi ces techniques, on retrouve l’ensemencement des nuages pour induire des précipitations, la gestion du rayonnement solaire (SRM) par l’injection de particules dans la stratosphère, ou encore la capture et le stockage du carbone dans les océans.
L’ensemencement des nuages repose sur la dispersion de particules telles que l’iodure d’argent pour favoriser la formation de gouttelettes d’eau, tandis que le SRM implique l’utilisation de particules comme le dioxyde de soufre pour créer un voile réfléchissant la lumière solaire.
Ces interventions pourraient potentiellement réduire la température globale, mais les effets à grande échelle demeurent incertains.
"Gouvernance avant la science", disent les experts
Duncan McLaren et Olaf Corry, deux figures de proue dans ce domaine, estiment que nous devons inverser la logique actuelle. Au lieu de promouvoir des recherches sans garde-fou, ils prônent une approche axée sur la "gouvernance d’abord". Pourquoi ? Parce que les risques de la géoingénierie ne se limitent pas à l'environnement. Ils touchent aussi aux dimensions sociales, éthiques et géopolitiques.
En effet, une intervention dans le système climatique mondial pourrait créer des disparités régionales dans la distribution des précipitations, provoquant des sécheresses dans certaines zones et des inondations dans d'autres. Ces effets secondaires potentiels soulignent l’importance d’établir des protocoles internationaux avant tout déploiement de ces technologies.
Par exemple, des modélisations prévoient que l'utilisation du SRM pourrait réduire la température globale de 1 °C, mais provoquer une baisse des précipitations de 10 % dans certaines régions.
2025 : l'année des essais controversés
Cette année marque un tournant, avec des projets en cours. Au Royaume-Uni, un budget de 50 millions de livres (environ 60 millions de dollars) a été alloué pour financer des essais à petite échelle.
Aux États-Unis, l'expérience menée par l’Institut océanographique Woods Hole implique l'étude des effets de la géoingénierie sur les écosystèmes marins. Certains tests, comme ceux soutenus par l’Advanced Research and Invention Agency, promettent d’explorer des moyens de refroidir activement la Terre.
Mais la communauté scientifique reste divisée. Une enquête de 2024 a révélé que 60 % des climatologues sont favorables à des essais encadrés, tandis que 40 % préfèrent une approche plus prudente. Faut-il continuer sur cette voie, ou freiner avant de causer des dommages irréversibles ?
Les partisans des essais affirment que l’urgence climatique justifie ces expérimentations, tandis que les opposants exhortent la prudence en raison des conséquences inconnues.
Au-delà de la science : les enjeux humains
La géoingénierie pose des questions éthiques profondes. Qui décide des technologies à utiliser et des populations à protéger ? Les pays les plus vulnérables, souvent absents des discussions, pourraient en subir les pires conséquences.
Par exemple, une manipulation du climat pourrait déstabiliser des régions entières, engendrant des tensions géopolitiques et des conflits pour l'accès à l'eau et aux ressources agricoles.
C’est pourquoi une gouvernance inclusive et éclairée est indispensable avant toute mise en œuvre. Un cadre réglementaire global permettrait de garantir que les décisions prises ne bénéficient pas uniquement aux pays riches, mais qu’elles tiennent également compte des besoins et des risques encourus par les pays en développement.
Références de l'article :
Duncan McLaren, Olaf Corry, Solar geoengineering research faces geopolitical deadlock. Science387, 28-30 (2025).DOI: 10.1126/science.adr9237