Europe : nos aliments sont-ils déjà contaminés par les mycotoxines
Chaleur, humidité, … un cocktail idéal pour les mycotoxines, ces toxines fongiques qui s’infiltrent dans notre alimentation. Une nouvelle étude dévoile l’ampleur du risque en Europe.

Certains champignons comme Aspergillus, Fusarium et Penicillium, produisent des mycotoxines qui contaminent nos cultures. Une étude européenne récente met en évidence que le changement climatique favorise leur prolifération, et en décrit les conséquences sanitaires.
Mycotoxines : c'est quoi exactement ?
Les mycotoxines sont des substances chimiques produites par certains champignons microscopiques présents dans les cultures agricoles comme le blé, le maïs et l’orge. Incolores, inodores et insipides, elles sont difficiles à détecter et résistent aux traitements classiques comme la cuisson et le lavage.
L’ingestion prolongée de ces toxines peut provoquer des troubles hormonaux, des atteintes hépatiques et rénales, une immunodépression et des effets cancérogènes.

Certaines, comme les fumonisines ou l’ochratoxine A, sont particulièrement dangereuses pour les femmes enceintes et les jeunes enfants, augmentant les risques de fausses couches ou de retard de croissance fœtale.
L’exposition ne se limite pas aux aliments solides : l’eau potable peut également être contaminée, notamment en raison du ruissellement agricole qui transporte ces toxines jusqu’aux sources d’eau.
Changement climatique : un facteur d'aggravation
Les variations de température, d'humidité et l’augmentation des précipitations dues au réchauffement climatique créent des conditions idéales pour la prolifération des champignons producteurs de mycotoxines. En Europe, plusieurs études de cas ont déjà mis en évidence ce phénomène.
- Aux Pays-Bas, une analyse a révélé une augmentation notable des contaminations des cultures de maïs et de blé par le déoxynivalénol (DON), en raison d’un climat plus chaud et humide.
- Au Portugal, des chercheurs ont constaté que les fumonisines étaient plus fréquentes dans le maïs, particulièrement lors des étés chauds et secs suivis de périodes de forte humidité.
- En Italie et dans les Balkans, des études ont montré que la toxine aflatoxine B1, hautement cancérogène, apparaissait désormais dans des régions où elle était autrefois rare, compromettant la qualité des cultures.
D’après le projet européen HBM4EU, 14 % des adultes en Europe sont exposés au déoxynivalénol (DON) à des niveaux considérés comme nocifs pour la santé. Cette toxine, couramment présente dans le blé, le maïs et l’orge, est une des plus répandues sur le continent.
L’impact environnemental joue aussi un rôle clé : les sécheresses affaiblissent les plantes, les rendant plus vulnérables aux champignons, tandis que les fortes précipitations et inondations favorisent leur prolifération. Le transport des toxines par le sol et les cours d’eau constitue également un facteur de risque supplémentaire.
Des conséquences sanitaires préoccupantes
Tout le monde est exposé aux mycotoxines, mais certaines catégories de population sont plus fragiles. Les jeunes enfants et les nourrissons sont particulièrement vulnérables en raison de leur faible poids corporel et de leur consommation accrue d’aliments à base de céréales. Les femmes enceintes sont également concernées, car certaines toxines peuvent affecter le développement du fœtus.
Les travailleurs agricoles et les employés du secteur agroalimentaire sont aussi en première ligne. En manipulant des céréales contaminées, ils risquent d’inhaler des spores fongiques ou d’absorber les toxines par la peau, augmentant ainsi les risques de problèmes respiratoires et immunitaires.
Un impact économique et agricole majeur
Les conséquences économiques des mycotoxines sont considérables. Les cultures contaminées doivent souvent être détruites, entraînant des pertes financières importantes pour les agriculteurs.
L’industrie agroalimentaire est également touchée : les contrôles de qualité stricts imposent des tests coûteux, et lorsqu’un lot est rejeté, cela peut causer de lourdes pertes aux producteurs et aux distributeurs.
Par ailleurs, l’utilisation accrue de fongicides pour lutter contre les moisissures pose un nouveau défi. À long terme, cela peut entraîner une résistance accrue aux antifongiques, compliquant le traitement des infections fongiques chez l’humain.
L’approche "One Health"
"One Health" est une méthode qui repose sur l’idée que la santé humaine, animale et environnementale sont interconnectées. En conséquence, une lutte efficace contre les mycotoxines doit combiner recherche scientifique, politique agricole et actions de terrain.
L’Union européenne met en place un suivi accru des cultures et des conditions climatiques pour anticiper et prévenir les contaminations. Le développement de variétés de céréales résistantes aux champignons, la rotation des cultures et l’usage de biocontrôles sont des stratégies clés pour réduire la présence de mycotoxines dans la chaîne alimentaire.
L’intégration de modèles prédictifs basés sur les données climatiques et agricoles permettrait également d’anticiper les pics de contamination et de prendre des mesures préventives adaptées.
Source de l'article :
European Environment Agency. (2025, March 10). Mycotoxin exposure in a changing European climate.