Comment obliger les entreprises à respecter les limites planétaires avant qu'il ne soit trop tard ?

Notre planète "Terre" frôle ses limites. Pour garantir un avenir durable, les entreprises doivent impérativement s'engager, sans compromis, à respecter les frontières de notre écosystème.

Il est plus que temps d’agir. Pour obliger les entreprises à respecter ces limites, il est nécessaire de les intégrer dans un cadre juridique et réglementaire mondial.
Il est plus que temps d’agir. Pour obliger les entreprises à respecter ces limites, il est nécessaire de les intégrer dans un cadre juridique et réglementaire mondial.

La prise de conscience écologique est fondamentale, car en 2024, six des neuf limites planétaires sont dépassées. Cette notion de "limites planétaires", introduite en 2009 par Johan Rockström et une équipe internationale de scientifiques, est aujourd'hui centrale pour guider politiques et actions dans divers secteurs.

Le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, la déforestation massive et la pollution des océans figurent parmi les seuils critiques que l’humanité a d'ores et déjà dépassés. Le message est clair : l'inaction est désormais inacceptable.

Et pourtant, un état des lieux alarmant !

L’étude menée par l’agence Lucie, en partenariat avec GoodWill Management et Kerlotec, révèle une réalité inquiétante : les entreprises françaises ne respectent pas les limites planétaires, et ce malgré leurs discours volontaristes en matière de développement durable. En effet, certaines d’entre elles dépassent largement leurs "quotas théoriques" dans plusieurs domaines, comme les émissions de gaz à effet de serre (+377%), l’artificialisation des sols (+181%), et la consommation d’eau (+282%).

Ces chiffres montrent l’ampleur du décalage entre les engagements RSE et la réalité des pratiques. Les experts estiment que, pour éviter des perturbations graves du système Terre, les entreprises doivent réduire leurs impacts environnementaux d’au moins trois fois. C'est dire l’ampleur de l’effort qui reste à fournir.

Prise de conscience des entreprises ?

Les entreprises, avec leurs chaînes d’approvisionnement mondiales et leurs impacts environnementaux massifs, sont le moteur principal de la croissance économique. Mais elles sont également responsables des transgressions actuelles. En quête constante de profit, elles ont largement contribué à l'atteinte de ces limites.

De nombreuses entreprises, telles que Carrefour et H&M, ont pris conscience de leur dépendance envers des ressources naturelles menacées. Elles reconnaissent qu’il est impossible de continuer sur la voie du business as usual face à la crise écologique. L’érosion de la biodiversité, la diminution de la fertilité des sols et les pénuries d'eau représentent des risques concrets pour leurs activités.

Face à ces risques, des initiatives existent. Le Science-Based Targets for Nature (SBTN), cadre de référence soutenu par le WWF et le Science Based Targets Network, est destiné à aider les entreprises à mesurer et réduire leurs impacts sur les écosystèmes et leur chaîne d’approvisionnement.

Pourquoi c'est urgent ?

Les conséquences de l’atteinte de certains seuils critiques sont déjà visibles. Le réchauffement climatique, par exemple, a atteint un seuil de 1,2°C au-dessus des niveaux préindustriels. Ce réchauffement met en péril les écosystèmes, en particulier ceux qui régulent le climat, comme les forêts et les océans. De même, la perte de biodiversité accélère les extinctions massives, perturbant gravement les écosystèmes et compliquant la régulation naturelle du climat et des ressources vitales.

Si ces tendances se poursuivent, nous risquons d’atteindre des points de basculement irréversibles, qui déstabiliseront l’ensemble du système terrestre. Par exemple, la déforestation en Amazonie pourrait entraîner une perturbation dramatique des cycles de régulation du climat, affectant la production alimentaire mondiale et le bien-être des sociétés humaines.

Par conséquent, il est impératif d’obliger les entreprises à respecter les limites planétaires. Les consommateurs, les investisseurs et les pouvoirs publics exercent une pression de plus en plus forte pour qu’elles respectent les limites planétaires. Cela passe par une législation plus stricte, mais aussi par la mise en place de mesures incitatives pour encourager les entreprises à adopter des pratiques respectueuses de l’environnement.

Pas de plan B : les entreprises doivent changer !

Les entreprises doivent être tenues responsables de leur impact écologique, non seulement par les lois nationales, mais aussi par des engagements internationaux contraignants qui alignent les indicateurs de durabilité avec les limites planétaires.

Le cadre méthodologique pour s'aligner avec les limites planétaires existe.

Lancé en 2019, le cadre SBTN pour "Science-Based Targets for Nature" propose cinq étapes pour aligner les activités des entreprises sur les limites planétaires, depuis la mesure des impacts environnementaux jusqu’au suivi rigoureux des progrès :

  • Évaluer : Identifier et analyser les impacts matériels de l'entreprise, en évaluant son influence sur les enjeux écologiques pertinents.
  • Interpréter et prioriser : Prioriser les enjeux matériels pour déterminer les zones géographiques critiques où des objectifs doivent être fixés.
  • Mesurer, établir et publier : Fixer des objectifs alignés sur les limites écologiques locales dans les zones prioritaires. Les enjeux abordés incluent la dégradation des écosystèmes terrestres et la pollution de l’eau, tandis que les écosystèmes marins seront bientôt intégrés.
  • Agir : Mettre en place des actions concrètes pour atteindre les cibles, en suivant la séquence ER3T (Éviter, Réduire, Restaurer, Régénérer, Transformer). Cette étape sera publiée en 2025.
  • Suivre : Surveiller les progrès réalisés, vérifier les résultats et rendre compte des avancées par rapport aux objectifs définis.

L’analyse initiale de SBTN permet d’identifier les points d’impact majeurs d’une entreprise, comme la consommation d’eau ou l’utilisation des sols dans des zones sensibles. Cette méthodologie s’inscrit également dans les nouvelles régulations européennes, telles que la directive sur le reporting de durabilité (CSRD), qui oblige les entreprises à rendre des comptes sur leur impact écologique.

Des actions concrètes doivent devenir la norme :

  • réduction des émissions de GES,
  • adoption de pratiques agricoles régénératrices,
  • optimisation de la gestion de l'eau et des ressources naturelles....

Les entreprises qui réussiront à opérer dans ces "espaces sûrs" deviendront les leaders du futur, non seulement en matière d’innovation, mais aussi en termes de réputation et de résilience face aux crises écologiques.

Références : Rockström, J., Donges, J.F., Fetzer, I. et al. Planetary Boundaries guide humanity’s future on Earth. Nat Rev Earth Environ 5, 773–788 (2024). https://doi.org/10.1038/s43017-024-00597-z

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