Climat : pourquoi les Etats continuent-ils de financer les énergies fossiles à coups de milliards ?
Malgré leurs promesses climatiques, dépensent des sommes colossales pour subventionner les énergies fossiles. Quels mécanismes perpétuent cette contradiction ? Décryptage des enjeux politiques, économiques et sociaux.
Les énergies fossiles, responsables de plus de 75 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), continuent de bénéficier d’un soutien financier massif des gouvernements. En 2022, les subventions mondiales aux énergies fossiles ont atteint des sommets : 1500 milliards de dollars selon l’OCDE, et jusqu’à 7000 milliards selon le FMI, en intégrant les coûts environnementaux et sanitaires, soi l’équivalent de 7,1 % du produit intérieur brut mondial.
Ces chiffres, vertigineux, illustrent un paradoxe : alors que le charbon, le pétrole et le gaz sont les principaux responsables des émissions de GES, ils restent fortement soutenus par les États.
Subventions : un héritage difficile à abandonner
Une subvention est un soutien financier octroyé par l’État à un secteur. Elle peut être directe, comme des aides financières, ou indirecte, comme des exonérations fiscales ou des prix plafonnés pour le consommateur.
Les subventions aux énergies fossiles ne datent pas d’hier. Beaucoup trouvent leur origine dans des crises passées, comme la Grande Dépression, où elles visaient à stabiliser des secteurs clés. Aujourd’hui, elles prennent diverses formes :
- Prix plafonnés : En Indonésie ou en Arabie saoudite, les gouvernements fixent des prix bas pour les carburants, compensant les pertes des compagnies publiques.
- Avantages fiscaux : Aux États-Unis, les entreprises pétrolières déduisent une grande partie de leurs coûts d’exploitation de leurs impôts.
- Manque à gagner environnemental : L’absence d’une tarification adéquate des dommages climatiques et sanitaires liés aux énergies fossiles est considérée par le FMI comme une "subvention implicite".
Ces mesures, parfois invisibles, rendent les énergies fossiles moins chers que leur coût réel, favorisant leur usage tout en masquant les effets de la pollution et du changement climatique.
Pourquoi ces subventions perdurent-elles ?
Plusieurs raisons expliquent la difficulté à éliminer ces soutiens :
- Un coût politique élevé : Augmenter le prix des carburants ou de l’électricité, c’est risquer de déclencher des protestations. En Europe, après l’invasion de l’Ukraine en 2022, la hausse des prix de l’énergie a forcé de nombreux gouvernements à subventionner davantage les carburants pour "protéger les ménages".
- Une dépendance structurelle : Les énergies fossiles soutiennent des secteurs économiques entiers, des transports à l’industrie, rendant leur retrait complexe.
- Des intérêts économiques puissants : Les lobbys du pétrole et du gaz exercent une pression considérable pour préserver leurs avantages fiscaux et financiers.
Résultat : malgré les engagements des pays du G20 en 2009 à réduire ces subventions, celles-ci ont presque doublé en 2021 et 2022.
Des impacts néfastes au-delà du climat
Le maintien des subventions aux énergies fossiles ne se limite pas à un impact négatif sur le climat. Ces aides freinent considérablement les investissements dans les énergies renouvelables en les rendant moins compétitives face aux carburants fossiles, ce qui retarde la transition énergétique. En outre, elles aggravent les inégalités sociales, car elles bénéficient principalement aux ménages les plus riches, qui consomment davantage de carburants et en tirent donc plus de profit.
Ces subventions représentent également une charge financière importante pour les États, détournant des ressources publiques qui pourraient être mieux utilisées pour des secteurs essentiels comme la santé ou l’éducation. En continuant à soutenir les énergies fossiles, les gouvernements compromettent non seulement leur engagement climatique, mais aussi leur capacité à investir dans des priorités sociétales cruciales.
Quelles alternatives possibles ?
Réformer les subventions fossiles est possible mais exige une préparation minutieuse et un engagement politique fort. Plusieurs pistes peuvent être envisagées pour amorcer ce changement :
- Fixer un "juste prix": Les gouvernements doivent intégrer les coûts réels des combustibles fossiles, y compris leurs effets climatiques et sanitaires, dans leur prix. Par exemple, une taxe carbone bien conçue peut encourager la transition vers les énergies renouvelables sans pénaliser les ménages modestes.
- Rythme des réformes progressif ou "big bang" : Une approche progressive, c'est à dire, opérer des augmentations graduelles des prix, permet aux citoyens et aux industries de s’adapter petit à petit. En outre, une réforme de type "big bang" qui implique la suppression immédiate des subventions, est envisageable pour des pays avec des subventions très élevées, mais elle nécessite un accompagnement social solide.
- Soutien au public et aux industries : Communiquer clairement les bénéfices des réformes, comme l’amélioration de la qualité de vie, est essentiel. Parallèlement, investir dans des alternatives comme les énergies renouvelables et les transports publics peut compenser les impacts négatifs.
Mettre fin aux subventions aux énergies fossiles est une étape incontournable pour respecter les engagements climatiques mondiaux. Bien que complexe, cette réforme est possible.
Références : Countries spend huge sums on fossil fuel subsidies. Why they're so hard to eliminate ?