Climat : la Terre proche de plusieurs points de bascule
Dégel du pergélisol, mort des récifs coralliens... Selon une nouvelle étude parue le 8 septembre dernier dans la revue "Science", la Terre est proche d'atteindre plusieurs points de bascule dans les prochaines années.
La très sérieuse revue "Science" a publié le 8 septembre dernier un article de David Armstrong McKay et Tim Lenton, tous deux chercheurs à l’université d’Exeter au Royaume-Uni. Ces derniers indiquent qu'avec un réchauffement planétaire de +1.5°C, comme cela semble se dessiner, au moins cinq points de bascule climatique risquent de se produire. Explications.
Des points de bascule déjà enclenchés ?
Les points de bascule climatique ("tipping point" en anglais) sont une source de préoccupation scientifique, politique et publique croissante. Ils traduisent des conditions au-delà desquelles les changements dans une partie du système climatique deviennent irréversibles et irrémédiables, avec des conséquences majeures sur la société humaine et les écosystèmes.
A ce jour, le Groupe d'experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) reconnaît neuf points de bascule climatique. Dans l'étude scientifique publiée début septembre, les deux chercheurs britanniques listent seize points de bascule à travers le monde, et s'efforcent de fixer des seuils de température à partir desquels ces basculements deviennent probables.
Selon eux, au-delà d'un réchauffement de +1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle (objectif fixé par l’accord de Paris en 2015), les points de bascule risquent de se multiplier. Or, avec les émissions actuelles de gaz à effet de serre, le monde se rapproche rapidement de ce seuil (+1,1°C aujourd'hui) et il est assez probable qu'avec l'inertie du système climatique, plusieurs points de bascule soient déjà enclenchés.
"Une action urgente en faveur du climat"
Toujours selon cette étude, au moins cinq points de bascule devraient être atteints d'ici peu de temps :
- la fonte de la calotte glaciaire du Groenland,
- la fonte de la calotte glaciaire de l'Antarctique occidental,
- la disparition des récifs coralliens des mers chaudes,
- le dégel du pergélisol (sols gelés en permanence),
- l'interruption du courant du Labrador (élément important de la circulation océanique dans l’Atlantique Nord).
D'autres points de bascule pourraient se produire en cas de réchauffement contenu entre +2 et +4°C, comme le dépérissement de la forêt amazonienne ou la perte des glaciers de montagne. Au-delà de +4°C, le Gulf Stream pourrait s'interrompre et l'ensemble des glaces arctiques hivernales pourraient disparaître.
Des incertitudes persistent sur les points de bascule, notamment sur l'échelle de temps (la disparition des glaciers de montagne pourrait prendre entre 50 et 1000 ans) mais malgré tout, les connaissances des scientifiques sont désormais suffisamment solides grâce aux avancées de la paléoclimatologie, à la précision des observations actuelles et aux perfectionnements des modèles du climat.
L'étude vise surtout à fournir des éléments tangibles et sérieux qu'une action urgente en faveur du climat est nécessaire. Même en cas de respect des Accords de Paris, plusieurs points de basculement pourraient tout de même être franchis. Si tous les engagements et les contributions déterminées à l'échelle nationale sont mis en œuvre, cela réduirait les risques d'étendre la liste des points de basculement atteints.