Biocarburant : discrète réintroduction d'une exonération fiscale
Depuis le 1er janvier 2020, les carburants comprenant de l’huile de palme ne bénéficient plus d’exonération fiscale. Cet avantage fiscal est néanmoins maintenue pour les biocarburants contenant un produit dérivé de l’huile de palme. De quoi relancer le débat sur cette huile très controversée...
Conformément à la loi de finance de 2019, les carburants contenant de l'huile de palme ne bénéficient plus de l’exonération de la taxe générale sur les activités polluantes, depuis le 1er janvier 2020. En effet, ne pouvant plus ignorer les effets dévastateurs de l’exploitation de cette huile végétale sur l’environnement, ces carburants ne sont plus considérés comme des biocarburants. Or ces derniers sont détaxés, et cela pour encourager le recours aux alternatives fossiles.
Une exception qui fait polémique…
Le groupe pétrochimique Total a plusieurs fois contesté la nouvelle règle fiscale, concerné au premier chef par cette mesure. Le groupe a en effet ouvert en juillet 2019 la plateforme de la Mède, une bioraffinerie dans les Bouches-du-Rhône, devant produire du biodiesel, notamment à partir d’huile de palme. Or la perte de l’avantage fiscal met en péril la survie économique du site, selon le PDG de la firme.
Dans ce contexte, la direction générale des douanes a rédigé une note introduisant une exception au principe faisant perdre l’avantage fiscal aux produits à base d’huile de palme. L’exception consiste à maintenir l’exonération fiscale pour les produits issus du raffinage de l’huile de palme : un sous-produit, appelé les « Palm Fatty Acid Distilate » (PFDA). Les carburants contenants ces scories pourront ainsi échapper à la taxe générale sur les activités polluantes.
Selon le ministère de la transition écologique et solidaire, ces dérivés de l’huile de palme « ne sont pas de l’huile de palme », mais seulement un de ses « résidus ». De nombreuses associations environnementales sont néanmoins vent debout contre cette réintroduction de la détaxe, considérant notamment que les PDFA ont des conséquences également désastreuses en termes de déforestation.
Mais pourquoi l’huile de palme est-elle si contestée ?
L’huile de palme fait couler beaucoup d’encre, mais cela n’est pas dû à la nature des palmiers cultivés, ne présentant en soi pas plus d’impact environnementaux que d’autres cultures agricoles. Le problème réside en fait dans sa surexploitation, lié à une consommation excessive, et qui ne cesse de croître. La consommation annuelle mondiale a dépassé le seuil des 70 millions de tonnes en 2018-2019, soit plus du double qu’il y a douze ans.
Cette boulimie pour l’or rouge entraîne une déforestation massive pour convertir des terres en culture de palmiers à huile. Près de 30 millions d’hectares sont actuellement consacrés à la production d’huile de palme dans le monde. A cause de ces déforestations, les forêts, ces puits de carbone, libèrent davantage de CO2 qu’elles n’en capturent. L’abondante diversité des espèces animales et végétales de ces forêts tropicales est également décimée par la destruction de leur habitat. Le déclin actuel de la population des orangs-outans est notamment très inquiétant.
De quoi s'interroger sur la pertinence de cette exonération fiscale. Le ministère de la transition écologique et solidaire avait annoncé en novembre dernier qu'une concertation se tiendrait avec les acteurs économiques et les associations environnementales. Mais ces dernières, en colère, se refusent d’y participer.