Souffrez-vous d'amnésie environnementale ?
Vous trouvez normal qu'il fasse 35°C à Paris en été ? Peut-être que vous souffrez d'amnésie environnementale - aussi appelée amnésie écologique - sans le savoir...
S'habituer à voir moins d'insectes dans son jardin, ne pas s'alarmer face à des températures caniculaires dans des départements normalement tempérés, s'étonner de voir des animaux dans la nature, ce sont des symptômes de ce qu'on appelle l'amnésie environnementale.
Qu'est-ce que l'amnésie écologique ?
Ce concept a été développé en 1999 par un psychologue américain, Peter Kahn, qui décrit une "amnésie environnementale générationnelle". Ce terme désigne le fait que d'une génération à l'autre - voire d'une période de vie à l'autre d'une même personne ! - on s'habitue à la dégradation du climat, de l'environnement et à l'effondrement de la biodiversité. S'y habituer au point de trouver cela normal.
"À Paris, entre les années 60 et 90, c’était rare d’atteindre 35°C l’été", explique François Jobard, météorologiste français au média Nowu. "Ça arrivait une fois tous les 5 ans, et c’était LA journée de canicule. Depuis 2009 ça se produit tous les ans. Une personne dans la vingtaine n’a quasiment connu que ça, c’est devenu un été normal pour elle."
D'un point de vue psychologique, nous construisons notre relation au monde à partir de nos expériences d'enfant. Mais comme la biodiversité diminue, les nouvelles générations construisent cette relation sur des bases différentes de ce que nous avons connu. Il nous faudrait 5 ans en moyenne pour nous habituer à des températures exceptionnelles, selon une étude publiée en 2019 dans PNAS.
Quels sont les dangers ?
Le problème c'est qu'à force de s'habituer à des températures extrêmes, à la sécheresse, à voir de moins en moins d'insectes ou d'animaux, nous finissions par ne plus percevoir ces événements comme anormaux. L'amnésie écologique pousse à l'inaction climatique. "Si on ne sait même plus ce qu’est une nature en bon état de fonctionnement, comment pourrait-on la protéger ?", demande Anne-Caroline Prévot, chercheuse au CNRS et au Muséum National d’Histoire Naturelle.
Alors, que faire pour lutter contre l'amnésie environnementale ? Il faudrait changer la façon dont on perçoit la météo : "C’est dommage de communiquer sur une “belle” météo sèche et ensoleillée, lorsqu’il y aurait besoin de pluie", explique François Jobard. "Je préfère donc parler simplement de soleil ou de pluie, plutôt que de “beau temps” ou “mauvais temps”.
Il est important aussi, selon Caroline Prévot, de renouer avec la nature d'un point de vue connaissance (apprendre à identifier les plantes, les insectes, les espèces d'animaux...) et "se remettre en contact avec le vivant" en prenant le temps de regarder, d'observer l'environnement qui nous entoure.