Pourquoi la disparition des haies en France est-elle si dramatique ?
Depuis les années 1950, près des trois-quarts des haies ont disparu des bocages en France. Un constat très inquiétant, d'autant que ces végétaux sont essentiels pour nos sols, mais aussi le stockage du carbone ou encore la biodiversité. Le gouvernement souhaite donc en réimplanter, mais sera-ce suffisant ?
C'est un constat alarmant dressé par le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) : "depuis 1950, 70% des haies ont disparu des bocages français". Des végétaux pourtant essentiels pour notre environnement, d'où la volonté du gouvernement de les réimplanter, malgré le désamour de certains agriculteurs à leur égard. Séquence explications.
23.500 km de haies en moins chaque année
Le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a donc reçu sur son bureau ce rapport alarmiste, qui pointe la perte de plus d'1,4 million de kilomètres de haies dans les bocages français (Normandie, Centre-Val-de-Loire, Pays-de-la-Loire, entre autres) depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, moment où certains agriculteurs ont commencé à les arracher pour produire massivement, notamment dans leurs champs de blé ou de colza.
Un "constat très inquiétant" selon le gouvernement, qui va bientôt lancer un "pacte en faveur de la haie" avec le monde agricole. L'enjeu sera de replanter des haies, là où elles étaient présentes il y a plusieurs décennies, mais aussi ailleurs. Pourtant aujourd'hui, 3.000 km de haies sont déjà replantées chaque année, mais ce n'est pas suffisant pour compenser les 23.000 km de haies qui ont disparu en moyenne par an entre 2017 et 2021. Un chiffre étonnant, alors que les haies sont normalement protégées par l'Union européenne depuis 2015. Le problème réside notamment dans l'absence ou la faiblesse des sanctions contre les agriculteurs "coupeurs de haies", qui doivent logiquement replanter ailleurs quand ils le font.
Encourager les agriculteurs à replanter des haies, cela passe par exemple par des incitations financières : en Vendée, nos confrères du Parisien ont repéré un hypermarché qui accorde des subventions aux agriculteurs qui replantent. L'"image désuète" des haies pointée par le rapport du CGAAER ne s'explique pas seulement par l'intensification de la production agricole : cet abandon des haies résulte aussi de la régression de l'élevage sur herbe, de la réorganisation des parcelles, de la chute de la consommation de bois de chauffage ou encore de la multiplication des engins agricoles massifs qui ont besoin de circuler sans obstacles. Certains pointent aussi les pertes de rendements liées à la présence de rats, limaces ou lapins autour des haies.
Biodiversité, eau, sol, climat : la haie, le Graal !
Alors pourquoi les haies sont-elles si utiles ? Le ministre de l'Agriculture évoque certes leurs bénéfices agronomiques et économiques, notamment avec la valorisation du bois, mais il faut surtout prendre en considération les bénéfices qu'elles apportent à notre environnement, à la fois dans les domaines de l'eau, de la biodiversité, du sol et du climat. D'ailleurs, le rapport précité déplore les "conséquences dommageables" que provoquerait la poursuite de l'arrachage des haies, et les présente comme "une vraie solution" face aux aléas climatiques à venir.
Les effets des haies listés par le rapport sont en effet très nombreux : "effet brise-vent, bien-être animal par l'ombrage, rétention des sols et lutte contre l'érosion, stockage de carbone, pollinisation, régulation de l'eau...", et tant d'autres ! Ainsi, les haies aident à lutter contre le ruissellement, enrichissent les sols, mais sont aussi de véritables réservoirs de biodiversité pour la faune et la flore. Avec l'effet parasol qu'elles engendrent, elles font par ailleurs baisser la température dans leurs alentours. En attirant tant d'insectes et d'oiseaux, elles permettent de limiter quelque peu l'usage des pesticides. La haie ressemble vraiment au Graal des végétaux, il serait dommage de s'en passer...