Pourquoi la crise climatique aggrave-t-elle la pratique des mariages précoces au Pakistan ?

Au Pakistan, les catastrophes naturelles, notamment les inondations récurrentes, poussent des familles à marier leurs filles adolescentes. En décryptant ce phénomène, nous dévoilons une tragédie exacerbée par les effets du changement climatique.

La crise climatique exacerbe les mariages précoces au Pakistan. une réponse tragique face à l'incertitude économique et environnementale croissante.
La crise climatique exacerbe les mariages précoces au Pakistan. une réponse tragique face à l'incertitude économique et environnementale.

Le Pakistan, pays aux prises avec des catastrophes climatiques récurrentes, voit une recrudescence des mariages précoces, particulièrement dans ses régions rurales.

Face aux inondations de plus en plus fréquentes et dévastatrices, des familles désespérées marient leurs filles adolescentes, croyant que cette solution pourrait les protéger de l'insécurité croissante.

Corrélation entre crise climatique et mariage précoce

Le Pakistan est l’un des pays les plus vulnérables et exposés au changement climatique, et cette réalité touche directement ses communautés rurales. Les moussons, de plus en plus violentes et imprévisibles, inondent les terres agricoles et détruisent les habitations. Ces événements ont des conséquences dramatiques sur les moyens de subsistance des familles, les laissant dans une précarité extrême.

Dans ce contexte, marier les filles adolescentes apparaît comme une solution rapide pour alléger le fardeau financier des familles. Les parents, inquiets pour l'avenir de leurs filles face à des conditions de vie de plus en plus difficiles, optent souvent pour un mariage précoce comme moyen de garantir un soutien économique.

L’exemple de Shamila et Amina, deux adolescentes mariées à 13 et 14 ans au début de la saison des pluies, illustre parfaitement cette tendance. Leurs familles, confrontées à la perte de leurs récoltes et de leurs maisons à cause des inondations, n’ont vu d’autre option que de les marier rapidement.

On s'est mariés rapidement parce qu'on ne savait pas ce qui pourrait arriver avec les grandes pluies. Mari de Shamila

Une telle décision, motivée par la peur de perdre tout ce qu'ils ont, bien qu'en apparence bénéfique, finit souvent par se retourner contre ces jeunes filles, piégées dans des situations de pauvreté, de privation et de dépendance.

Législation vs réalité

Le mariage des jeunes filles au Pakistan n’est pas un phénomène nouveau, mais le changement climatique aggrave cette pratique. Avant que les inondations ne deviennent si fréquentes, les filles aidaient aux champs ou tissaient, contribuant ainsi aux ressources familiales. Aujourd’hui, avec la destruction des moyens de subsistance, elles sont de plus en plus perçues comme "des bouches inutiles".

Bien que la loi pakistanaise fixe l'âge minimum pour le mariage à 18 ans, les réalités locales mettent en lumière un écart préoccupant entre la loi et la pratique. Dans des villages comme Khan Mohammad Mallah, où les mariages de mineurs sont en hausse, les familles prennent le risque de transgresser cette législation, justifiant leurs choix par les circonstances désespérées qu’elles rencontrent.

Mashooque Birhmani, fondateur de l'ONG Sujag Sansar, note une augmentation inquiétante des mariages précoces, avec 45 cas recensés cette année dans son village, dont un tiers survenus pendant la mousson. Les ONG comme Sujag Sansar tentent de s’attaquer à la racine de ce problème en proposant des solutions alternatives.

Un cercle vicieux de pauvreté et de précarité

Des initiatives d'éducation et de formation professionnelle, comme l'apprentissage de la couture ou d'autres métiers artisanaux, offrent une porte de sortie à ces jeunes filles. En leur donnant des compétences, les ONG locales espèrent retarder, voire empêcher leur mariage précoce, tout en leur permettant de contribuer financièrement à leur famille.

Cependant, ces efforts se heurtent souvent à une réalité climatique implacable. Chaque nouvelle inondation peut anéantir des mois de progrès, poussant à nouveau les familles à des décisions désespérées. Par exemple, les parents de Mehtab, une fillette de 10 ans, envisageaient de la marier en 2022 avant qu'une formation en couture ne lui permette de retarder ce destin.

Quelle solution adopter ?

Lutter contre les mariages précoces en pleine crise climatique exige une approche globale, combinant actions climatiques, justice sociale et accès à des opportunités économiques pour les plus vulnérables. Seules des solutions collectives et intégrées permettront d’enrayer cette spirale et de protéger ces jeunes filles d’un avenir compromis.

Source : Pourquoi le changement climatique précipite-t-il les mariages d'adolescentes au Pakistan ?

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