Pourquoi l'inaction climatique de l'UE menace-t-elle la réindustrialisation européenne ?

Face à l’urgence climatique, l’UE hésite encore à tracer sa voie pour 2040. Sans une stratégie audacieuse, l'Europe risque de perdre emplois, innovations et indépendance énergétique.

La décennie qui s’ouvre sera décisive. En février 2025, tous les pays de l’Union européenne devront soumettre leur Contribution déterminée au niveau national (CDN) pour respecter l’Accord de Paris.
La décennie qui s’ouvre sera décisive. En février 2025, tous les pays de l’Union européenne devront soumettre leur Contribution déterminée au niveau national (CDN) pour respecter l’Accord de Paris.

En février 2024, la Commission européenne recommandait de fixer un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) à -90 % d’ici 2040. Cette proposition, qui aurait pu établir un cap clair, demeure sans réponse de la part de ses 27 États membres. Conséquence : un climat d’incertitude règne parmi les industriels.

Un cap incertain qui déstabilise les industries

Prenons l'exemple d'ArcelorMittal, qui a décidé de reporter son ambitieux projet d'acier décarboné à Dunkerque, un investissement de 1,8 milliard d'euros destiné à réduire ses émissions de CO2 d'un tiers d'ici 2030. Ce retard, lié à la crise de la sidérurgie européenne et à la conjoncture économique mondiale, met en péril non seulement les objectifs écologiques du groupe, mais aussi des milliers d'emplois locaux.

Le projet, qui comprenait la construction de deux fours électriques et d'une unité de réduction directe du fer, attend désormais des mesures de protection pour l’acier européen avant d’aller de l’avant.

Un autre exemple frappant concerne les projets de recyclage de batteries en France, essentiels pour l’avenir de la mobilité électrique et la transition énergétique du continent. Bien que, d’ici 2035, l’Europe pourrait recycler suffisamment de lithium pour alimenter 2,4 millions de voitures électriques et réduire sa dépendance aux importations de métaux critiques, près de la moitié des projets de recyclage sont actuellement menacés.

Ce retard, dû à un manque de clarté sur le cadre réglementaire et financier, représente un défi stratégique majeur pour l’Europe, qui pourrait manquer l’opportunité de devenir quasi-autonome en cobalt d’ici 2040 et de réduire les impacts environnementaux liés à l'extraction des métaux.

Un potentiel immense laissé en friche

À quelques mois de la présentation d’une nouvelle stratégie industrielle européenne, le « Pacte industriel propre », la procrastination climatique de l’UE engendre une incertitude majeure et un coût colossal.

En effet, l'adoption d' un objectif ambitieux de réduction des émissions par l’UE pourrait économiser jusqu’à 2 800 milliards d’euros d’ici 2040 sur ses importations de combustibles fossiles. Aussi, une stratégie industrielle verte bien menée pourrait créer 1,6 million d’emplois supplémentaires d’ici 2035, atteignant même 2,1 millions en 2040.

Les retombées économiques ne s’arrêtent pas là : d’après des modélisations récentes, une accélération de la transition verte pourrait générer 1 000 milliards d’euros de co-bénéfices dès 2030, incluant des gains en santé publique et une réduction des coûts liés aux catastrophes climatiques.

Manque de financement

Mais l’Europe se heurte à un obstacle de taille : le financement. Selon un rapport de Mario Draghi, il manquerait 450 milliards d’euros d’investissements annuels pour réussir la transition énergétique d’ici 2030. À ce déficit s’ajoutent les besoins pour déployer une stratégie ambitieuse en vue de l’objectif 2040.

Les solutions existent pourtant. Parmi elles, un emprunt commun européen, la création de nouvelles ressources propres et la mobilisation de la finance privée. Ces initiatives permettraient d’accompagner les territoires et les citoyens dans la transformation, condition sine qua non pour une transition juste et efficace.

L'Europe toujours un modèle ?

L’Europe conserve un rôle de locomotive morale et institutionnelle, en particulier, grâce à des politiques comme le Green Deal, l’objectif de neutralité climatique inscrit dans la loi, et son influence dans les négociations internationales sur le climat, notamment, lors des COPs. Cependant, ce leadership est fragilisé par des retards décisionnels, un financement insuffisant, la concurrence mondiale des États-Unis et de la Chine, ainsi que des disparités internes entre États membres.

Pour rester crédible et compétitive, l’UE doit accélérer son action, aligner ses financements sur ses ambitions et s’assurer que ses citoyens bénéficient concrètement de la transition écologique.

Source de l'article :

Opinion | UE : l'inaction climatique freine la réindustrialisation

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