Étonnant : pourquoi l'agriculture bio peut conduire à une hausse de l'utilisation de pesticides ?
C'est une conséquence quelque peu contre-intuitive, mais selon une étude menée en Californie, l'agriculture biologique peut mener à une utilisation plus importante de pesticides dans les champs contigus. Comment est-ce possible ?
C'est une étude qui pourrait révolutionner nos pratiques agricoles, ou en tout cas nos méthodes de production alimentaire. En effet, celle-ci révèle une utilisation accrue des pesticides dans les champs situés tout près des parcelles cultivées en agriculture biologique. L'explication tient dans l'impact environnemental des activités agricoles. Revue de détails.
Des "dommages collatéraux" ?
Cette étude, publiée dans la prestigieuse revue Science et menée notamment par Ashley Larsen, chercheuse en sciences environnementales à l'université de Californie, s'est basée sur 14.000 parcelles du comté de Kern, sur lesquelles sont cultivés une très grande variété de produits : raisins, citrons, amandes, pistaches, tomates ou encore pommes de terre.
Pour chaque champ, la chercheuse et ses collègues ont pris en compte la cartographie, la classification en bio ou en conventionnel, et des données sur l'utilisation de pesticides. Leur démarche est simple : alors que notre avenir est supposé voir croître l'agriculture biologique, il s'agissait de savoir, sans montrer du doigt l'une ou l'autre pratique, si le bio pouvait causer des "dommages collatéraux".
Et le résultat est sans appel : dans les champs conventionnels contigus aux parcelles biologiques, autrement dit situés juste à côté, l'utilisation des pesticides est accrue. Sans surprise, l'utilisation des pesticides est en revanche fortement diminuée dans les champs bio voisins.
Le rôle des insectes nuisibles
Cette sorte d'effet indésirable, involontaire, serait lié à la présence plus importante d'insectes nuisibles, mais aussi de leurs ennemis naturels, dans les champs cultivés en agriculture bio. En revanche, dans les champs cultivés en conventionnel, lorsque les nuisibles arrivent, leurs ennemis naturels sont peu nombreux, et il est donc nécessaire de pulvériser des pesticides pour sauver les récoltes (même si ce n'est pas la seule solution, loin de là).
Les chercheurs ont également découvert que plus on s'éloigne des champs bio, plus l'utilisation des pesticides dans les champs conventionnels décroît. Certains vont jusqu'à suggérer de regrouper au maximum les champs bio les uns à côté des autres pour minimiser ce "dommage collatéral", et aussi éviter que les insectes nuisibles n'essaiment sur une trop grande étendue.
Toutefois, la science n'en sait pas encore assez sur l'implication des insectes nuisibles dans cette décision d'usage des pesticides par les agriculteurs en conventionnel. Le déplacement et l'origine de ces insectes sont par ailleurs encore mal compris. D'autres mécanismes, comme la nature des produits cultivés, leur résistance aux nuisibles et les croyances ancrées des agriculteurs pourraient aussi jouer un rôle et nécessiteraient davantage de recherches...