Paludisme : quelle est cette bactérie qui pourrait empêcher le développement de la maladie ?
Incroyable ! Une bactérie présente dans les intestins de certains moustiques produit une toxine qui empêcherait le développement du paludisme, selon une étude menée par une équipe internationale de chercheurs...
Une équipe internationale de chercheurs de l'Ecole de santé publique de Baltimore, aux Etats-Unis, et du laboratoire britannique GSK, vient peut-être de faire naître le plus grand espoir existant dans la lutte contre le paludisme. Cette maladie mortelle transmise par les moustiques a touché en 2021, selon les chiffres de l'OMS, 247 millions de personnes, dont 95% en Afrique, et provoqué la mort de 619.000 personnes.
Une bactérie miraculeuse
Publiés dans la revue Science début août, leurs résultats sont étonnants : ces chercheurs ont découvert dans les intestins de moustiques femelles une bactérie ayant la propriété d'empêcher le développement du parasite Plasmodium falciparum, l'un des responsables d'une forme de paludisme. Un parasite qui se développe dans le tube digestif des moustiques, et que la bactérie inhibe en produisant une toxine.
Cette bactérie au nom barbare, Delftia tsuruhatensis TC1, agit un peu comme une sentinelle, mais réduit de 75% le risque de voir se développer le paludisme chez le moustique. La toxine qu'elle produit, l'harmane, bien connue des spécialistes, se trouve dans le microbiote de la femelle, mais n'agit que lorsque le moustique a ingéré la bactérie.
Il s'agit d'une "découverte majeure", selon le directeur médical de l'Institut Pasteur, Pierre Buffet, rapporté par nos confrères du Monde, qui salue un immense espoir vers l'éradication de la maladie. En effet, comme l'harmane possède la propriété de traverser la peau et le squelette du moustique (son cuticule), elle pourrait aussi agir en tant que produit de contact, en la pulvérisant sur des moustiquaires notamment.
De premiers tests "en réel" prometteurs
Lors d'une expérience en milieu confiné, au cours de laquelle les moustiques ont été mis au contact de boules de coton imbibées d'eau, de sucre et de cette bactérie, il a suffit d'une seule nuit pour que la bactérie colonise 75% des moustiques. Avec des souris cette fois, seul un tiers des rongeurs ont été infectés par les moustiques porteurs de la bactérie, contre la totalité pour ceux ayant été en contact avec les moustiques non-porteurs de la bactérie.
La dernière bonne nouvelle, c'est que la toxine libérée par la bactérie empêche aussi le développement du paludisme chez les humains, une conclusion possible après plusieurs expériences en laboratoire et en extérieur. Il va toutefois falloir désormais analyser les conséquences possibles de l'utilisation de cette bactérie sur d'autres organismes, comme par exemple les insectes pollinisateurs : il ne faudrait pas non plus déstabiliser tout un écosystème ! Mais aussi sur l'homme, même si une petite quantité ne devrait normalement pas nous faire de mal...
Le graal, pour les chercheurs, serait de réussir à modifier génétiquement la bactérie pour qu'elle devienne transmissible par les femelles moustiques à leurs œufs. Cela évitera ainsi de devoir "nourrir" les moustiques avec la bactérie, et limitera donc les coûts. Une éradication du paludisme deviendrait alors possible, mais avec toutes les limites éthiques que lèverait le recours à des OGM...