Ouragan Milton : peut-on encore lutter contre ces monstres climatiques ou est-ce déjà foutu ?
L'ouragan Milton, l'un des plus puissants jamais observés, a ravagé la Floride en ce mois d'octobre. Ce cyclone extrême révèle l’impact croissant du changement climatique sur la violence des tempêtes et interroge notre capacité à les anticiper et les gérer.
L’ouragan Milton marquera les esprits, non seulement par la violence inédite de ses vents, mais aussi par son intensification extrêmement rapide. Entre le dimanche 6 et le lundi 7 octobre 2024, Milton a franchi tous les échelons de l’échelle de Saffir-Simpson, qui classe l’intensité des ouragans, atteignant rapidement la catégorie 5.
Il s’ajoute à une série d’ouragans qui ont évolué dans l'océan Atlantique ces dernières semaines, parmi lesquels Helene, Leslie et Kirk. Pourtant, ce qui semblait n'être qu'un énième événement climatique extrême est en réalité un signal d'alerte bien plus grave que certains ne le réalisent.
Un ouragan record
Milton a touché terre en Floride les 9 et 10 octobre. Formé initialement le 5 octobre dans le golfe du Mexique, il a rapidement évolué en tempête tropicale avant de devenir un ouragan de catégorie 5 en l’espace de seulement 24 heures. Les vents ont atteint 290 km/h, un seuil rarement franchi dans l'Atlantique.
Milton a vu sa pression chuter de 50 millibars en 10 heures, atteignant un niveau record de 897 millibars, la plus basse jamais enregistrée depuis l’ouragan Wilma en 2005. Cette combinaison d'intensité et de rapidité propulse Milton parmi les ouragans les plus puissants de l'histoire.
Après une brève rétrogradation en catégorie 4, Milton a regagné en intensité, frappant la Floride avec des vents de 165 km/h lors de son arrivée sur la côte dans le comté de Sarasota. Le bilan matériel est colossal : des millions de foyers privés d'électricité, des bâtiments détruits et des infrastructures paralysées, notamment à Venice, où des avions ont été retournés et des rues submergées.
Les inondations ont également été dévastatrices. Certaines zones du centre-ville de Tampa et de St. Petersburg ont enregistré jusqu'à 430 mm de précipitations, tandis que la montée des eaux due à la marée de tempête a atteint 2,4 mètres près de la baie de Tampa. Des rafales de vent allant jusqu'à 145 km/h ont accompagné ces pluies torrentielles, qui ont notamment submergé les routes et piégé de nombreux habitants dans leurs maisons.
Une saison atypique
Si la formation d'ouragans en Atlantique entre juin et novembre est un phénomène habituel, la saison 2024 s’est révélée particulièrement « atypique ». L’ouragan Beryl de catégorie 5 a ouvert la saison en frappant sévèrement les États-Unis dès le 2 juillet, marquant ainsi le début d'une série d'événements climatiques extrêmes. Les noms d'Helene, Kirk, Leslie et Milton se sont succédés en l’espace de quelques semaines, souvent simultanément.
Ce qui est troublant, c’est l’apparition tardive de trois cyclones en octobre. La présence de Milton, Kirk et Leslie à cette période de l'année interroge sur la manière dont le climat, en mutation rapide, transforme la dynamique des ouragans.
Selon John Morales, météorologue depuis plus de 40 ans, la multiplication des ouragans violents dans un contexte de réchauffement climatique est un signe que nous entrons dans une ère climatique sans précédent. Il a déclaré avec émotion : « Le nombre d'ouragans de catégorie 4 et 5 a considérablement augmenté au cours des 20 dernières années. »
Ce sentiment de vulnérabilité est partagé par de nombreux experts qui alertent sur la probabilité accrue de voir des cyclones atteindre des niveaux de puissance extrême, comme ce fut le cas pour Milton.
Le changement climatique en toile de fond
Si le nombre total de cyclones n'a pas augmenté, leur violence s'accentue sous l’effet du réchauffement climatique. Les océans plus chauds fournissent une énergie supplémentaire aux tempêtes, accélérant leur intensification.
Morales a exprimé son désarroi face à cette réalité : « La propension des ouragans à devenir extrêmement intenses augmente énormément ». Il souligne également que la température de surface du golfe du Mexique était à des niveaux records lors de la formation de Milton, un phénomène rendu 400 à 800 fois plus probable par le changement climatique.
Milton est l'exemple frappant de cette tendance inquiétante. Les cyclones d’intensification rapide, comme lui, sont de plus en plus fréquents. « Ce qui est différent aujourd'hui, c'est que nous sommes confrontés à des niveaux d'intensité que nous n'avions jamais vus auparavant », ajoute Morales. Avec des ouragans comme Harvey, Irma, Dorian ou encore Katrina, le réchauffement climatique s'illustre à travers une liste de tempêtes extrêmes qui continuent de détruire des vies et des régions entières.
Les populations en première ligne
Si l’évacuation peut sembler être une évidence face à un ouragan d’une telle ampleur, la réalité est bien plus complexe. Les moyens financiers, les contraintes familiales ou médicales, et parfois même l’incapacité à prévoir un refuge sûr, poussent beaucoup de gens à rester sur place, malgré le danger imminent.
Certaines personnes n'ont pas de moyen de transport pour fuir, d'autres craignent pour la sécurité de leurs animaux, ou encore pour leurs conditions de santé. Comme l’explique un rapport du Centre national des risques naturels, « évacuer nécessite des ressources que tous ne possèdent pas. »
Sommes-nous impuissants face à ces monstres climatiques ?
Face à ces catastrophes, la question est légitime : peut-on encore lutter contre ces ouragans monstrueux, ou est-il trop tard ? Bien que les perspectives soient préoccupantes, il est encore possible d'agir pour limiter les dégâts futurs.
Les scientifiques sont formels : il est encore temps de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour freiner le réchauffement global. Parallèlement, il est plus que jamais urgent de renforcer nos systèmes d'alerte précoce. Mais cette transition ne se fera pas sans une volonté politique et sociétale massive. « Nous avons encore le pouvoir d’agir », insiste Morales. « Mais chaque retard nous rapproche d’un point de non-retour. »
Nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer les signaux. L’ouragan Milton et ses prédécesseurs ne sont pas des anomalies, mais les nouveaux visages d’un climat bouleversé. Si nous voulons éviter de voir ces tempêtes se multiplier et se renforcer encore, il est plus que temps de prendre des décisions ambitieuses pour préserver notre avenir et celui de nos générations futures. L’heure est à l’action, pas au fatalisme.