Les "tempêtes du siècle" (2/4) : Lothar, une bombe météorologique dévastatrice le 26 décembre 1999

Notre série consacrée aux "tempêtes du siècle" se poursuit. Il y a 25 ans jour pour jour, le 26 décembre 1999, la moitié Nord de la France était violemment frappée par la tempête Lothar, une "bombe météorologique" dévastatrice.

Tempête Lothar 1999 dégâts forêt
Des arbres littéralement coupés en deux par la violence des rafales de Lothar. Photo Abteilung Forstdirektion des Regierungspräsidiums Tübingen, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons.

Nous sommes dans la nuit du 25 au 26 décembre 1999, il y a tout juste 25 ans. Météo-France vient d'annoncer un nouveau renforcement du vent, après une journée de Noël déjà tempétueuse et des tornades meurtrières en Normandie. La moitié Nord de la France est placée en alerte, pour des rafales de vent pouvant atteindre 120 à 140 km/h. La tempête Lothar va déjouer tous les pronostics...

Une chute de pression jamais vue !

À minuit, le 26 décembre 1999, les prévisionnistes de Météo-France observent une rotation des vents au large de la Bretagne et une chute vertigineuse de la pression atmosphérique, jamais vue auparavant (-20hPa en 6h), ce qui signifie qu'un centre dépressionnaire sans doute très virulent est en train de se former. Habituellement, les dépressions se forment sur l'Atlantique. Pas cette fois...

Impossible de suivre et de prédire son arrivée, puisque Lothar est véritablement née sur le pays, l'image satellite précédent son "explosion", puisque c'est le terme utilisé par les météorologues, était peu parlante. On parle de "bombe météorologique", ou de creusement explosif, dont le facteur aggravant a été la vitesse du jet-stream, qui atteignait 530 km/h à 10.000 mètres d'altitude.

Cet jet-stream, extrêmement virulent, avec une vitesse record, a d'abord interagi avec la dépression principale, de l'air sec est entré dans la stratosphère, ce qui a créé une rotation des vents puis le creusement d'une dépression secondaire, Lothar. Son mouvement a été accéléré par le courant-jet, totalement en phasage avec elle, courant au plus proche du sol, ce qui a augmenté l'instabilité.

L'équivalent d'un ouragan de catégorie 1

Ce concours de circonstances est totalement exceptionnel, peut-être d'occurrence millénaire, et il explique la violence de la tempête Lothar. À 4h du matin, le centre dépressionnaire de Lothar est positionné au large des Côtes-d'Armor, puis s'engouffre dans la baie du Mont Saint-Michel, avec des rafales à 150 km/h. Les arbres sont littéralement tranchés dans le bocage de la Manche.

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Encore plus étonnant, Lothar continue à se creuser en pénétrant à l'intérieur des terres, contrairement aux dépressions habituelles qui perdent de la puissance : elle dévaste la Normandie, avec une pression minimale à 960 hPa vers Rouen. Les vents moyens atteignent 110 à 120 km/h, la force d'un ouragan de catégorie 1, avec des rafales maximales comprises entre 160 et 180 km/h.

À 5h25 du matin, la centrale nucléaire de Flamanville doit être arrêtée, et Météo-France, face à l'ampleur de la situation, décide de placer la moitié Nord de la France en alerte maximale. Un bulletin d'alerte très scientifique, pas vulgarisé, transmis aux préfectures, souvent désertées en ce lendemain de Noël.

Dans le même temps, une tornade balaye Saint-Pierre-sur-Dives, dans le Calvados, et certains quartiers ressemblent à des zones bombardées. À 7h30 du matin, les lignes électriques et TGV de la Normandie et du Centre-Val-de-Loire sont déclarées hors-service, alors que Lothar approche de la région parisienne, qu'elle atteindra à 8h avec une puissance maximale au Sud de la capitale.

56% du territoire touché

Au centre de la dépression, on observe une zone sans nuage qui n'est pas sans rappeler la structure de l'œil d'un cyclone, même si Lothar n'avait en aucun cas des caractéristiques tropicales. Le paroxysme de la tempête est atteint à Orly, avec une rafale à 173 km/h, alors que l'anémomètre au sommet de la Tour Eiffel se bloque à 216 km/h.

La tempête Lothar se dirige ensuite vers l'Alsace à 11h, puis l'Allemagne, qu'elle dévastera aussi, et aura traversé la France en seulement 9h. 56% du territoire est touché par la tempête, entre la Bretagne, la Normandie, le bassin parisien et le Grand-Est, mais c'est dans un couloir de 150 km de large que les dégâts sont les plus importants, et où les rafales ont dépassé les 150 km/h, comme à Paris.

Jamais des vents d'une telle force et sur une telle superficie n'avaient touché la France. Toutes les prévisions de valeurs de vent ont été surpassées, alors qu'elles étaient déjà alarmistes. Les dégâts ressemblent à ceux d'un cyclone tropical : des bâtiments détruits, des forêts entières rasées, des grues renversées... À Paris, la moitié du bois de Boulogne a été dévastée en moins de 2h.

Au soir du 26 décembre 1999, le bilan est terrible : près de cinquante morts, des régions inondées, des millions de foyers privés d'électricité, des millions d'arbres déracinés, un patrimoine culturel ravagé (le parc du château de Versailles, le moulin de Valmy...). Dans le même temps, Météo-France s'inquiète : et si Lothar avait une sœur jumelle ? Et si la catastrophe recommençait ?

À suivre...

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