Les "tempêtes du siècle" (4/4) : peuvent-elles se reproduire ? Comment les prévisions météo ont-elles évolué depuis ?
Notre série consacrée aux "tempêtes du siècle" se termine. Après les ravages de Lothar et Martin en 1999, Météo-France et l'État ont travaillé sur un nouveau système d'alerte et de prévisions, dont les effets sont toujours visibles aujourd'hui.
À la veille du passage à l'an 2000, les Français s'apprêtent à réveillonner choqués, parfois dans le noir, et frappés d'incompréhension. Comment les tempêtes de 1999 ont-elles pu passer à travers les radars des spécialistes météo ? Pourquoi les logiciels ont-ils été dépassés ? Les services de l'État ont-ils mis trop de temps à réagir ? Peuvent-elles se reproduire ? Voici quelques réponses...
Des modèles de prévisions améliorés
Le problème des modèles météo de l'époque, c'est qu'ils avaient sous-estimé le creusement des dépressions, et qu'ils ne parvenaient pas à prévoir correctement leur intensité et leur trajectoire. Par ailleurs, les prévisionnistes de Météo-France n'avaient pas de retour du terrain, ni de contacts avec la Sécurité civile : compliqué d'effectuer un bon suivi du phénomène et d'adapter la prévision...
Il faut aussi considérer la rareté du phénomène, d'une durée de retour centennale voire millénaire ! Lorsqu'une mesure de la valeur des vents dans le jet-stream indique 529 km/h à Brest à 8.000 mètres d'altitude, le modèle météo de l'époque l'avait jugée aberrante et l'avait rejetée : on connaît le résultat... Aujourd'hui, cette valeur aurait évidemment été retenue et même communiquée en grande pompe.
En 1999, les modèles de Météo-France ne prévoyaient pas les rafales de vent : ce sont les prévisionnistes qui les estimaient à partir des vents moyens au sol et en altitude : un autre monde !
Aujourd'hui, les modèles numériques de prévisions se sont considérablement améliorés : une tempête telle que Martin serait détectée au moins 36 heures plus tôt qu'en 1999 avec les progrès de la science. De quoi alerter suffisamment en amont... Les données du satellite sont par ailleurs mieux intégrées à la prévision pour suivre la phase de creusement des dépressions.
Sommes-nous prêts si cela se reproduit ?
La mobilisation conjointe des services de Météo-France et de ceux de l'État, après deux années de réflexion, a abouti au lancement de la désormais bien connue carte de vigilance en 2001, communiqué au public et aux médias, avec ses 4 niveaux de vigilance, du vert au rouge. Le but était de pallier le manque d'information de la population sur les dangers météorologiques.
Désormais, ce n'est pas tant la valeur de la vitesse du vent qui compte, mais la couleur de la vigilance : parler de "vigilance rouge vent violent" sera plus frappant que d'évoquer des rafales à 150 km/h. Il s'agit d'un dispositif inédit d'anticipation des risques au niveau départemental, croisant des critères météo et leurs effets pour les territoires et les populations.
Au total, on estime que 79 départements auraient connu une vigilance rouge vent violent pendant le passage des tempêtes en 1999 si la vigilance météo avait existé à l'époque. Une vigilance rouge déclenchée ensuite pour d'autres tempêtes : Klaus en 2009, Xynthia en 2010 ou encore Ciaran en 2023.
Nous sommes désormais prêts si un tel scénario peu probable se reproduit : depuis la terrible tempête Xynthia, le paramètre vagues-submersion, qui avait déjà engendré des dégâts en 1999, est aussi couvert par la carte de vigilance. Reste à savoir si la génération à venir connaîtra aussi ses "tempêtes du siècle", et avec quelle intensité...
"Les tempêtes du siècle" : épisodes précédents
Décembre 1999, un zonal surpuissant et un Noël très agité (1/4)
Lothar, une bombe météorologique dévastatrice le 26 décembre 1999 (2/4)
Martin, une deuxième dépression jumelle historique le 27 décembre 1999 (3/4)