Les scientifiques pointent une catastrophe : l’île poubelle du Pacifique Nord rassemble des plastiques du monde entier !

Un groupe de chercheurs met en évidence que l'Île de Déchets du Pacifique Nord ne cesse de croître et qu'elle est composée de plastiques provenant du monde entier.

Une partie de la grande plaque de déchets du Pacifique Nord croît plus rapidement que prévu. Crédit : IOP Publishing-Phys.org
Une partie de la grande plaque de déchets du Pacifique Nord croît plus rapidement que prévu. Crédit : IOP Publishing-Phys.org

Une étude publiée dans Environmental Research Letters révèle que les fragments de plastique de la taille de quelques centimètres augmentent bien plus rapidement que les plastiques flottants de plus grande taille dans l'Île de Déchets du Pacifique Nord (NPGP), menaçant ainsi l'écosystème local et potentiellement le cycle global du carbone.

Une étude récente de l'île de déchets du Pacifique Nord

La recherche, qui se base sur des études systématiques du NPGP menées entre 2015 et 2022 par l'organisation à but non lucratif The Ocean Cleanup, a constaté une augmentation inattendue de la concentration de masse de fragments de plastique qui sont probablement nouveaux dans la région et ne résultent pas de la dégradation d'objets déjà présents.

Les chercheurs supposent que ces fragments issus de la décomposition de plastiques vieux de plusieurs décennies et jetés dans le monde entier s'accumulent et augmentent de façon exponentielle dans cette région reculée de l'océan Pacifique.

Zones d'accumulation de plastique et de déchets humains dans le Pacifique Nord. NASA
Zones d'accumulation de plastique et de déchets humains dans le Pacifique Nord. NASA

L'étude a analysé 917 échantillons de filets de traîne de surface, 162 échantillons de filets de traîne de grande profondeur, 74 relevés aériens et 40 prélèvements issus du système de nettoyage, collectés lors de 50 expéditions individuelles entre 2015 et 2022.

Efforts de surveillance dans la plaque de déchets du Pacifique Nord entre 2015 et 2022. Le jeu de données comprend des échantillons prélevés à l'aide de filets de traîne de surface (ouverture de 0,9 m × 0,15 m, maille de 0,5 mm) et de filets de grande taille (6 m × 1,5 m, maille de 15 mm), des détections par imagerie aérienne, ainsi que des prélèvements effectués via le Système S002 de The Ocean Cleanup. La zone grisée représente les contours modélisés du NPGP pour juillet 2022. Source : Laurent Lebreton et al., Environmental Research Letters (2024). DOI : 10.1088/1748-9326/ad78ed
Efforts de surveillance dans la plaque de déchets du Pacifique Nord entre 2015 et 2022. Le jeu de données comprend des échantillons prélevés à l'aide de filets de traîne de surface (ouverture de 0,9 m × 0,15 m, maille de 0,5 mm) et de filets de grande taille (6 m × 1,5 m, maille de 15 mm), des détections par imagerie aérienne, ainsi que des prélèvements effectués via le Système S002 de The Ocean Cleanup. La zone grisée représente les contours modélisés du NPGP pour juillet 2022. Source : Laurent Lebreton et al., Environmental Research Letters (2024). DOI : 10.1088/1748-9326/ad78ed

Les principales conclusions sont les suivantes :

- Les fragments de plastique sont passés de 2,9 kg par km2 à 14,2 kg par km2 en sept ans.

- Entre 74 et 96 % de cette augmentation sont imputables à des sources étrangères.

- La concentration des points chauds pour les petits déchets a augmenté, passant de 1 million par km2 en 2015 à plus de 10 millions par km2 en 2022.

- Par km2, le nombre moyen de chaque classe de taille de plastiques flottants a augmenté de manière significative : les microplastiques (0,5 mm-5 mm) sont passés de 960 000 à 1 500 000 éléments ; les mésoplastiques (5 mm-50 mm) sont passés de 34 000 à 235 000 éléments ; les macroplastiques (50 mm-500 mm) sont passés de 800 à 1 800 éléments par km2.

L'écosystème menacé !

Le volume des débris plastiques dans la région dépasse celui des organismes vivants, menaçant l'écosystème non seulement par l'ingestion ou l'enchevêtrement de plastique par la vie marine, mais aussi potentiellement par l'impact sur le cycle mondial du carbone par le broutage du zooplancton affecté par la présence de microplastiques flottants.

En raison de l'augmentation des plastiques flottants, les animaux marins endémiques sont désormais en concurrence directe avec de nouvelles espèces qui ont colonisé les débris plastiques et se sont installées dans cette partie reculée de l'océan.

Des décennies de gestion inadéquate des déchets plastiques

Laurent Lebreton, auteur principal de l'article, déclare : « l'augmentation exponentielle des fragments de plastique observée dans nos études sur le terrain est une conséquence directe de décennies de gestion inadéquate des déchets plastiques, qui ont conduit à l'accumulation incessante de plastiques dans l'environnement marin.

« Cette pollution nuit à la vie marine et ses effets commencent à peine à être compris. Nos conclusions devraient servir d'appel urgent à l'action pour les décideurs politiques impliqués dans la négociation d'un traité mondial visant à mettre fin à la pollution plastique. Aujourd'hui, plus que jamais, une action mondiale décisive et unifiée est essentielle.

Les chercheurs soulignent que si les pays accordent la priorité à la prévention de la pollution plastique en amont, l'interception et l'élimination des plastiques déjà présents dans l'environnement marin mondial sont essentielles pour atténuer d'urgence la production de fragments de plastique de plus en plus petits dans les océans au cours des prochaines décennies.

Référence de l'article :

Laurent Lebreton et al, Seven years into the North Pacific Garbage Patch: legacy plastic fragments rising disproportionally faster than larger floating objects, Environmental Research Letters (2024). DOI: 10.1088/1748-9326/ad78ed

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