Les activités humaines perturbent le "cycle du sel" : pourquoi est-ce une "menace existentielle" ?
Selon une étude scientifique, le "cycle du sel" à l'échelle mondiale est perturbé en raison des activités humaines : celui-ci s'accélère avec la salinisation de l'environnement. A terme, certains écosystèmes pourraient être menacés. Voire toute la planète ?
Va-t-il falloir limiter ou réguler l'utilisation du sel à l'échelle mondiale ? Sans doute, à en croire l'étude publiée par des chercheurs dans la revue Nature Reviews Earth & Environment le 31 octobre dernier. Selon eux, les activités humaines perturbent le "cycle du sel" sur la planète : la "salinisation" excessive de l'environnement pourrait menacer certains écosystèmes.
Le "cycle du sel" s'accélère
Outre le sel avec lequel nous agrémentons nos repas (le chlorure de sodium), il existe par ailleurs une multitude de sels, parmi lesquels les chlorures de calcium, de magnésium ou de potassium, mais encore des sulfates, des acétates, des nitrates, des carbonates ou des phosphates. On parle de "salinisation" de l'environnement lorsque l'eau des rivières, les sols, voire l'air, contiennent du sel.
Alors à quoi correspond le "cycle du sel" sur la planète ? Il s'agit simplement d'un mouvement pendant lequel les composés précités remontent naturellement à la surface de la Terre, depuis ses profondeurs, à travers des processus géologiques et hydrologiques : par exemple, l'altération de la "roche mère" (une roche sur laquelle reposent les sols) par le ruissellement des eaux de pluie sur elle.
Le problème, c'est que d'habitude très lent, ce mouvement perpétuel du sel est de plus en plus rapide, à cause des activités humaines, expliquent ces chercheurs. Cette accélération du "cycle du sel" pourrait à terme constituer une "menace existentielle". Un milliard d'hectares de sols dans le monde subissent une "salinisation", et la quantité de sels présents dans les ruisseaux et les rivières augmente depuis 50 ans, en liaison avec la hausse de la production.
Le danger du sel de déneigement
Les activités humaines envoient du sel dans l'air, dans le sol et dans l'eau, à cause de l'exploitation minière, de l'agriculture, de la construction, du dessalement de l'eau de mer, mais surtout du salage des routes, avec le sel répandu sur le bitume pour réduire le risque d'accident en évitant la formation de gel.
1 million de tonnes de sel de déneigement sont déversées chaque hiver en France, 20 millions de tonnes sont produites chaque année aux Etats-Unis (ce qui représente 44% de la consommation de sel du pays). De telles quantités (au total, ce sel équivaut à 13,9% des solides dissous dans les cours d'eau américains) ont pour conséquences une végétation brûlée, des nappes souterraines trop chargées en sodium ou encore un manque d'oxygène pour les animaux marins.
Lorsque le sel est répandu sur la voirie dans les pays enneigés, il peut se transformer en aérosols (des particules volantes de sodium et de chlorure) : à terme, cela accélère la fonte des neiges et menace l'approvisionnement en eau douce des populations. Enfin, certains composants des sels peuvent se lier aux particules contaminées dans les sols, ce qui forme des "cocktails chimiques" dangereux pour l'environnement.
Une "limite planétaire" pour le sel ?
Ces chercheurs recommandent de mettre en place dans le monde des politiques visant à "limiter les sels de déneigement", voire à les remplacer par d'autres méthodes, comme répandre du jus de betterave, qui a le même effet contre le gel, et qui est déjà utilisé par la ville de Washington.
Ils considèrent la planète comme un organisme vivant, pour lequel l'accumulation d'une telle quantité de sel pourrait affecter le fonctionnement des écosystèmes (assimilés à des "organes vitaux"), mais aussi mettre en danger la santé humaine, compte tenu de la salinité de l'eau.
A terme, ils suggèrent de mettre en place une "limite planétaire" à l'utilisation du sel, comme on l'a fait pour les niveaux de CO2 dans l'atmosphère. Cette réglementation serait un pas énorme pour la planète, puisque ces scientifiques considèrent désormais le sel come une "substance qui augmente dans l'environnement à des niveaux nocifs".