Le réchauffement climatique peut-il provoquer davantage de séismes ?
Faut-il craindre une augmentation du nombre de séismes à l'avenir ? Oui, dans certaines régions du globe, en raison du réchauffement climatique et de la fonte des glaciers qui lui est associée. Mais les failles sismiques ne devraient en ressentir les effets que dans plusieurs milliers d'années...
Il va falloir rajouter une ligne à la longue, trop longue liste des conséquences du réchauffement climatique : après les canicules, les incendies de forêts, la hausse du niveau des océans et les risques de maladies infectieuses, vient la hausse du nombre de séismes. Une conséquence directement liée à la fonte des glaciers, selon une enquête de nos confrères du Parisien : la réduction de leur masse pourrait entraîner un soulèvement du sol et une modification des contraintes appliquées aux failles sismiques. Quelles seront les régions les plus touchées et à quelle échéance ?
Une question de poids sur la croûte terrestre
Les glaciers jouent donc un rôle dans la survenue des séismes. La sismicité découle en effet des contraintes accumulées sur les failles : ainsi, un gros glacier fait peser une énorme contrainte, et lorsque celui-ci fond, la masse qui pèse sur la faille diminue et il suffit de moins d'effort et de force pour que cette dernière glisse, rapporte à nos confrères du Parisien le professeur de géophysique Frédéric Masson.
Ainsi, la fonte des glaciers provoque une sorte de relèvement ou de soulèvement du sol, conséquence de deux effets : un "effet élastique", lorsque la terre se redresse instantanément après la disparition du glacier, et "l'effet prolongé du manteau", lorsque celui-ci remonte progressivement dans l'espace vide laissé libre par la fonte des glaces. Pour faire simple, il faut comprendre que le sol se relève car il supporte moins de poids, comme la glace présente à sa surface a tendance à diminuer.
L'activité sismique résulte donc des variations de poids pesant sur la croûte terrestre. D'ailleurs, des scientifiques ont expliqué, dans une étude parue en 2020, qu'une déglaciation pouvait provoquer des séismes de forte magnitude, comme cela a sans doute été le cas au Groenland il y a 11.000 ans. D'autres chercheurs estimaient en 2008 que les faibles séismes ressentis ces dernières années dans les régions glaciaires, comme au Groenland et en Antarctique, étaient liés à la fonte des calottes glaciaires en surface. La conclusion est donc évidente : avec l'accélération de la fonte des glaces voire la disparition totale de certains glaciers à cause du réchauffement de la planète, la fréquence des tremblements de terre devrait augmenter, et l'Alaska et la Scandinavie feront aussi partie des régions les plus menacées.
Une échéance très lointaine
D'après le sismologue Florent Brenguier, le réchauffement climatique actuel "n'aurait un impact que dans longtemps" sur la fréquence des tremblements de terre. Il s'agit d'un processus très lent, qui ne provoquerait des effets qu'à très long-terme. Aujourd'hui, l'activité sismique importante dans certaines régions du globe, comme en Finlande, serait ainsi liée aux mouvements du sol dus à la fonte des glaces du passé, autrement dit il y a plusieurs milliers d'années, et non à celle en cours aujourd'hui.
Les conséquences tectoniques visibles de nos jours sont donc pour le moment liées au réchauffement naturel et passé de la Terre, et non au réchauffement anthropique actuel, qui provoquera ses effets sur la croûte terrestre d'ici plusieurs milliers d'années. Par ailleurs, seules les zones les plus froides devraient être concernées, où existent les plus gros glaciers. Enfin, la hausse du niveau des océans pourrait aussi jouer un rôle dans la fréquence des séismes, notamment à cause de l'infiltration de l'eau de mer dans certaines failles.
Pour le moment, contrairement à ce que nous laisse penser l'actualité récente, et notamment les importants séismes en Turquie et en Syrie, le nombre de gros tremblements de terre, d'une magnitude supérieure ou égale à 7, n'a pas évolué depuis 1900 (10 par an en moyenne). Si les plus petits séismes semblent être plus nombreux, cela est sans doute lié à la médiatisation et à la circulation de l'information via les réseaux sociaux. Leur détection est par ailleurs beaucoup plus aisée qu'à l'époque. Ce ne sont que nos lointains descendants qui pourront potentiellement ressentir sismiquement les conséquences de la fonte des glaces...