Le devoir de vigilance européen : une solution efficace pour prévenir les abus des multinationales ?
Le Parlement européen adopte enfin le devoir de vigilance après des années de débats. Cette avancée marque un tournant historique dans le respect des droits humains et environnementaux par les grandes entreprises. Mais sera-t-elle efficace contre les comportements répréhensibles des multinationales ?
Au cœur des préoccupations en matière de responsabilité des entreprises, le devoir de vigilance représente une obligation cruciale imposée aux grandes entreprises et aux multinationales.
Qu'est-ce que le devoir de vigilance ?
Le devoir de vigilance repose sur une norme de diligence raisonnable, exigeant une surveillance continue afin de garantir le respect des droits humains et environnementaux.
Cette exigence est citée comme fondement essentiel par les Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits humains.
En France, l'adoption de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre en 2017 constitue une avancée majeure dans ce domaine. Cette législation oblige les grandes entreprises à prévenir et à réparer les violations des droits humains et les dommages environnementaux découlant de leurs activités et de celles de leurs filiales, sous-traitants, ou fournisseurs.
L'adoption de la directive européenne : un parcours de combattant !
L'adoption de cette directive a été saluée par les milieux politiques, associatifs et économiques. Le processus a été jalonné de débats intenses et de retournements politiques, retardant sa mise en œuvre. Les partis de droite européens et certains représentants patronaux ont tenté de bloquer le texte.
Après un parcours difficile, avec 9 commissions parlementaires, plus de 3 000 amendements et près de 5 ans de débats et négociations, le Parlement Européen a finalement adopté la directive européenne sur le devoir de vigilance, avec 374 voix pour et 235 voix contre. Ce vote marque un tournant crucial dans la régulation des pratiques des entreprises, notamment en matière de respect des droits humains et environnementaux.
La directive, connue sous le nom de Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD), impose aux grandes entreprises européennes ou opérant en Europe une obligation de garantir le respect des droits humains, sociaux et environnementaux tout au long de leur chaîne de valeur, y compris chez leurs fournisseurs.
Entrée en vigueur en 2027 ?
Maintenant que la directive a été adoptée par le Parlement européen, les États membres devront valider leur accord définitif lors de prochaines réunions au Conseil. Cependant, l'entrée en vigueur de la directive n'est pas attendue avant 2027, car elle doit encore être transposée dans le droit interne des États membres.
Cette étape pourrait susciter des débats et des discussions supplémentaires, notamment en France et en Allemagne, où une réglementation sur le devoir de vigilance existe déjà.
L'adoption de la directive sur le devoir de vigilance européen constitue une avancée majeure vers une économie plus responsable, où les entreprises sont désormais contraintes de rendre des comptes pour leurs répercussions sur les droits humains et l'environnement.
Application en France ? Cas de TotalEnergie
La France, avec l'adoption de la Loi n° 2017-399 du 27 mars 2017, est en avance en matière d'application du devoir de vigilance. Cette loi impose aux grandes entreprises, comme TOTAL, de rendre public leur plan de vigilance, notamment pour identifier et prévenir les risques d'atteintes aux droits de l'Homme et à l'environnement.
En réponse à ces enjeux, des plaintes ont été déposées contre TOTAL pour son projet EACOP (East Africa Crude Oil Pipeline) en Afrique, dénonçant les violations des droits humains et les dommages environnementaux. En septembre 2022, une résolution du Parlement européen a d'ailleurs condamné ce projet, appelant à son arrêt et à une étude sur des alternatives reposant sur les énergies renouvelables.
Reste à établir si TotalEnergie a effectivement adapté son plan de vigilance pour se conformer aux exigences de la directive française sur le devoir de vigilance.
Pour l'instant, les grandes entreprises et les multinationales disposent d'au moins trois ans pour corriger le tir avant que le devoir de vigilance européen ne leur soit applicable.