La maison en terre ou en boue, solution face au réchauffement climatique ?
Des maisons construites à base de boue ? Cela existe déjà en Afrique, et il s'avère que la terre crue semble être le matériau idéal pour isoler de la chaleur, et ainsi faire face au réchauffement climatique. Est-ce pour autant sans risque ? Pas forcément...
Non, nous n'allons pas rejouer les différentes scènes des Trois Petits Cochons, avec les maisons en paille, en bois ou en briques... Pourtant, la maison en boue ou en terre crue, absente du conte de Perrault, est peut-être la solution pour faire face au réchauffement climatique des prochaines décennies. Matériau isolant de la chaleur, la boue est déjà utilisée dans la construction en Afrique, mais est-ce vraiment sans risque pour les habitants ? Décryptage.
Un refuge anti-chaleur
En Afrique, les maisons en briques de terre crue sont légion, notamment dans la région du Sahel. Les murs de terre ou de boue font parfois un mètre d'épaisseur, sont imperméabilisés à l'extérieur, souvent vieux de plusieurs dizaines d'années et connus pour isoler de la chaleur. Dans le village de Koumi, au Burkina Faso, le chef de village a même imposé les constructions en terre dans le centre du bourg, pour préserver le patrimoine et les traditions ancestrales. La hausse (relative) du niveau de vie entraîne en effet un essor des constructions en béton, alors que le ciment (ingrédient de fabrication du béton) représente déjà environ 8% des émissions mondiales de CO2. Abandonner les matériaux traditionnels semble donc être dommageable pour le climat, d'autant que le béton est souvent une passerelle vers la climatisation...
"La construction en ciment n'apporte pas de confort", explique Francis Kéré, architecte défenseur de l'architecture écoresponsable. Un confort essentiel dans ces régions du monde frappés par des chaleurs insupportables. Les murs en terre crue, lorsqu'ils sont très épais, emmagasinent en effet la chaleur dans la journée et la dissipent la nuit, lorsque la température extérieure diminue. Ce n'est pas le cas des parpaings en béton qui ne retiennent pas la chaleur : celle-ci peut alors rentrer à l'intérieur des bâtiments et rendre le quotidien invivable (chacun peut le constater dans les immeubles urbains lors des canicules en Europe).
La maison en boue semble ainsi être un refuge anti-chaleur dans des régions du monde où la température peut parfois dépasser les 45 degrés. Avec une maison orientée au Nord et un peu de végétation environnante, la terre crue permet au thermomètre de descendre sous les 30 degrés à l'intérieur. Une architecture au pouvoir incomparable, et pratiquée aussi au Mali, en Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis, où certains architectes y associent parfois des systèmes de ventilation naturelle. L'avantage, c'est que ce matériau est bien moins cher que le béton dans ces régions, compte tenu de sa disponibilité directe sur zone.
Des dangers et un avenir incertain ?
Le pouvoir rafraîchissant des briques en terre crue doit pourtant être mis en balance avec le risque qu'elles engendrent. Des effondrements de murs ont parfois été recensés, par exemple dans certains villages au Maroc, à la fin des années 1990. Par ailleurs, le changement climatique entraîne une hausse de certains phénomènes météo extrêmes, comme les fortes pluies et les inondations, ces dernières menaçant les structures en terre et empêchant de garder les intérieurs au sec.
Les maisons en béton semblent mieux résister aux crues dévastatrices, et semblent de toute manière mieux correspondre à l'évolution des goûts des populations locales, d'autant que les maisons en terre nécessitent bien plus d'entretien et ne laissent que peu passer la lumière. Une sorte de décalage avec la modernité, en parallèle avec la désertification rurale qui emmène de plus en plus de villageois vers les zones urbaines.
Toutefois, tout n'est pas perdu pour la maison en terre crue : selon Francis Kéré, tout serait une question de volonté politique et de conviction. Il existe par exemple des moyens de protéger les maisons en terre de la pluie en ajoutant dans les murs des petites quantités de ciment, voire en surplombant les toits d'auvents métalliques. Volonté politique et progrès technique pourraient donc remettre au goût du jour ces constructions traditionnelles, refuges anti-chaleur et sans doute l'une des solutions face aux températures extrêmes annoncées à l'avenir. Un exemple pour l'Afrique, qui doit s'attendre à un réchauffement de 2 degrés à la fin du siècle, mais aussi pour les autres régions du monde, frappées par l'urbanisation et la bétonisation à outrance...