La génétique protège certains travailleurs de nuit du manque de sommeil !
Une étude menée par des chercheurs de l'université d'Oxford dévoile enfin pourquoi certaines personnes ne ressentent pas ou peu le manque de sommeil lorsqu'elles travaillent de nuit. Tout serait lié à une prédisposition génétique...
Vous êtes plutôt du soir ou du matin ? Cette question, souvent posée dans la vie privée, est pourtant essentielle pour les plus de 4 millions de travailleurs de nuit en France, pour qui le sommeil est souvent fractionné, réduit, décalé et par conséquent difficile. Tout le monde n'est toutefois pas exposé de la même manière au manque de sommeil : d'après une étude menée par l'université d'Oxford, ceux qu'on appelle les "oiseaux de nuit" auraient une prédisposition génétique les protégeant des "pénalités de sommeil", et seraient par conséquent à l'écart des conséquences néfastes sur leur santé de ce type de travail.
L'horloge interne déréglée
Travail de nuit, travail posté, de nombreux travailleurs sont donc exposés à des perturbations du cycle normal du sommeil, notamment au Royaume-Uni où 25% des employés du secteur public ont une activité professionnelle nocturne (entre 22h et 6h), d'où l'intérêt accordé à cette problématique par les chercheurs de l'université d'Oxford, dans leur étude publiée dans la revue Sleep.
Les premières conclusions de l'étude révèlent que le travail de nuit est associé à un manque, à des "pénalités de sommeil" importantes, dont les plus importantes sont d'ailleurs observées chez les personnes travaillant toujours de nuit. Ce manque de sommeil, parfois fractionné ou décalé, constitue une modification substantielle de ce que l'on appelle le rythme circadien, autrement dit l'horloge interne. Ce dérèglement est mauvais pour la santé mentale et physique, avec à la clé une augmentation du risque de dépression, de maladies cardiaques ou de diabète de type 2. L'Organisation mondiale de la santé a même récemment qualifié le travail de nuit de cancérogène probable.
La pénalité moyenne de sommeil est quantifiable, grâce aux résultats de l'étude menée sur 53.211 travailleurs entre 2006 et 2018 : au total, les travailleurs réguliers de nuit ont déclaré dormir 13 minutes de moins par nuit que les travailleurs réguliers de jour. Globalement, ceux qui travaillent le plus souvent la nuit dorment donc moins que les autres.
La génétique d'un "oiseau de nuit"
Les chercheurs ont ensuite, à l'aide de la bio-banque britannique, qui rassemble les informations génétiques d'un demi-million de personnes, examiné si certains travailleurs étudiés avaient, dans leurs génomes, une prédisposition génétique "à la soirée", autrement dit si leur ADN les prédestinait à devenir des "oiseaux de nuit". La réponse est oui, pour certains d'entre eux (pas toute la population), et cela les protège contre le manque de sommeil.
Disposer de ces gènes a un fort effet protecteur, puisque la pénalité de sommeil est alors réduite jusqu'à 28% pour ceux ayant cette prédisposition et travaillant toujours de nuit. L'écart est assez grand entre les deux extrêmes génétiques : les moins disposés génétiquement à "vivre" ou "être actifs" la nuit déclarent une pénalité de sommeil d'environ 41 minutes par nuit, alors que les "oiseaux de nuit" bénéficient d'une récompense de sommeil d'environ 27 minutes, lorsqu'ils travaillent la nuit.
Néanmoins, ces conclusions ne permettent pas de déterminer des implications sur la santé des travailleurs de nuit disposant d'un génome adapté à cette activité. L'étude montre qu'elles varient d'un individu à autre. Par ailleurs, ces estimations de perte/bénéfice de sommeil peuvent être modifiées en fonction de la distance des trajets domicile-travail, ou encore de l'âge du travailleur. En revanche, bien que le travail nocturne soit plus courant chez les hommes, aucune différence significative n'a été observée dans les pénalités de sommeil entre les hommes et les femmes.