Extinction des manchots empereurs : combien de temps leur reste-t-il ?
Le compte à rebours est lancé pour tenter de sauver l'espèce des manchots empereurs. Cet animal polaire est sur le point de s'éteindre à cause de la fonte des glaciers liée au réchauffement climatique.
Le manchot empereur est endémique de l'Antarctique. Il risque de disparaître, comme de nombreuses autres espèces, à cause du changement climatique. Ce serait la première espèce polaire à disparaître de la surface du globe. Les scientifiques estiment qu'au rythme actuel du réchauffement climatique, cet oiseau pourrait disparaître d'ici la fin du siècle.
Le plus grand et le plus lourd manchot se reproduit chaque année, fin mars, sur un site de reproduction. Ils pondent leurs oeufs entre mai et juin sur la banquise côtière. 65 jours après, en plein hiver, les poussins sortent de leur coquille. Ils resteront sur la glace jusqu'en janvier, en été, avant de pouvoir plonger dans l'eau. En effet, ils doivent perdre leur duvet de naissance pour laisser place à un plumage imperméable.
100% des poussins sont décédés
Sauf qu'en 2022, la banquise de l'Antarctique a battu le record de 2021 en enregistrant sa superficie la plus faible jamais observée. Certaines régions ont perdu 100% de leur banquise, notamment à l'ouest de la péninsule Antarctique, dans la mer de Bellingshausen. Cette fonte des glaciers a entrainé une perte extrêmement importante des bébés manchots empereurs.
Sur 5 colonies de la mer de Bellingshausen étudiées par les scientifiques, 4 d'entre elles ont perdu 100% de leurs poussins, selon un rapport publié dans Nature Communications Earth & Environment. Grâce aux images satellite, les chercheurs ont pu constaté que les glaciers ont fondu certainement avant que les bébés manchots soient assez grands pour survivre dans l'eau.
"Avec la fonte des banquises qu’a connue cette région au cours de l’été antarctique, il est très improbable que les poussins déplacés aient survécu", révèle Peter Fretwell du British Antarctic Survey et auteur principal de l'étude. Ce n'est pas la première fois que des échecs de reproduction des manchots empereurs sont enregistrés mais jamais de manière généralisée à l'échelle régionale comme en 2022.
Les manchots empereurs ont besoin de la banquise pour se reproduire, élever les poussins, muer et se protéger des prédateurs. "Ce type de phénomène à échelle régionale est susceptible de devenir plus fréquent, ce qui aurait des conséquences dévastatrices pour les manchots empereurs", explique Annie Schmidt, directrice du programme Antarctica de Point Blue Conservation Science.
Les manchots s'adaptent face au réchauffement climatique
Loin d'être bêtes, les manchots empereurs ont appris à se déplacer pour faire face à la perte de leur habitat. Les chercheurs veulent justement vérifier si les colonies de Bellingshausen étudiées vont retourner sur leur site de reproduction précédent ou changer de site durant les prochaines années, décrit le site NationalGeographic.
"Le problème, c’est lorsque le phénomène se produit à l’échelle régionale. La mer de Bellingshausen est une zone immense ; nous ne savons pas si les manchots pourront se déplacer dans une tout autre région de l’Antarctique", rapporte Norman Ratcliffe du British Antarctic Survey et coauteur de l'étude. "Il n'y a plus de temps à perdre", alerte Jeremy Wilkinson, physicien spécialiste de la banquise.
À la vitesse actuelle à laquelle la planète se réchauffe, les projections des scientifiques montrent que plus de 80% des colonies de manchots empereurs pourraient s'éteindre d'ici la fin du siècle. Certes, elles ne disparaitront pas entièrement, mais elles seront si peu nombreuses qu'il leur sera impossible de se reproduire et donc de subsister...
L'échec de reproduction des empereurs de 2022 "est un indicateur spectaculaire du lien entre la perte de la banquise et l’anéantissement de l’écosystème", rapporte Jeremy Wilkinson. "Le monde subirait une grande perte si l’espèce venait à décliner ou à disparaître, et que cela indiquerait que notre gestion de la Terre aurait bel et bien lamentablement échoué", ajoute Norman Ratcliffe.