Et si les engrais étaient au final nocifs pour les pollinisateurs ?
Des chercheurs britanniques ont comparé l'évolution du nombre d'insectes pollinisateurs sur plusieurs types de terrains, certains traités avec des engrais et d'autres non traités. Leurs résultats démontrent que les engrais pourraient s'avérer néfastes pour les pollinisateurs.
L'effet des engrais sur les pollinisateurs
Une équipe de scientifiques britanniques a mené durant 2 ans une expérience sur l'un des plus vieux terrain expérimental au monde. Ce terrain est celui de Park Grass, situé à Rothamstead à 50km au Nord de Londres, inauguré il y a près de 150 ans et disposant d'une surface expérimentale de 56 640 mètres carrés.
Durant cette expérience, les scientifiques ont comparé l'évolution du nombre de pollinisateurs sur plusieurs parcelles traitées ou non avec des engrais ainsi que l'évolution de l'abondance et de la diversité des fleurs. Au total, ce sont plus de 1285 butineurs qui ont été comptés durant la durée de l'expérience.
Leurs résultats, publiés dans la revue npj Biodiversity, ont mis en évidence que les pesticides n'étaient pas les seuls responsables du déclin des pollinisateurs. En effet, les engrais, pourtant utilisés pour favoriser la bonne croissance des plantes, diviseraient par deux l'abondance des insectes butineurs.
Lors de l'étude réalisée au Park Grass, les parcelles non traitées ont effectivement observé une hausse respective de 95 et 84% par rapport à celles recevant des niveaux élevés d'engrais. Autrement dit, les pollinisateurs comme les abeilles, les bourdons, les coléoptères, les papillons ou les guêpes ont préféré s'orienter vers des parcelles naturelles, non traitées avec des engrais, ce qui pourrait sembler paradoxal.
Des compromis à trouver
Selon les chercheurs, les substances nutritives apportées dans les champs, principalement l'azote, par rapport à un effet plus marginal du phosphore et du potassium, favorisent la pousse d'herbes à croissance rapide au détriment des fleurs.
Une hypothèse qui semble être confirmée par l'abondance et la diversité des fleurs dans l'étude en question. En effet, les fleurs se montraient 5 à 8 fois plus abondantes dans les parcelles non traitées que dans celles recevant la plus grande quantité d'engrais.
De ce fait, les scientifiques britanniques sont formels, « lorsqu'on augmente les engrais, le nombre de pollinisateurs diminue, c'est un lien direct qui, à notre connaissance, n'avait jamais été démontré auparavant ». Or, ceci a un effet radical sur les fleurs et les insectes, un véritable effet boule de neige qui peut se faire sentir tout au long de la chaîne alimentaire.
Il est donc paradoxalement nécessaire de rendre la terre moins fertile pour obtenir davantage d'espèces de plantes à fleurs et de pollinisateurs, ceux-ci étant on ne peut plus importants pour la biodiversité. Or, ceci réduirait inévitablement les rendements des agriculteurs, ce qui va à l'encontre de la dynamique générale.
Selon les scientifiques, des incitations financières venant du Royaume-Uni et de l'Union européenne seraient par conséquent indispensables pour soutenir des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement et de la biodiversité. Il s'agirait selon eux de favoriser les pollinisateurs mais également d'améliorer la santé des sols tout en renforçant leur résistance aux phénomènes météorologiques, ce qui pourrait être bien plus bénéfique à grande échelle qu'une baisse sensible des rendements.
Référence de l'article :
Trade-off between pollinator-wildflower diversity & grassland yields, npj biodiversity (20 janvier 2025), Nicholas J. Balfour, Ciaran Harris, Jonathan Storkey & Francis L. W. Ratnieks