Dès 2024, la Suisse va exporter son CO2 pour le stocker... dans les fonds marins étrangers !
La Suisse la présente comme "incontournable" : il s'agit de la technique de stockage de CO2 que le gouvernement helvète vient d'autoriser pour 2024. Le pays va pouvoir exporter son dioxyde de carbone dans des fonds marins étrangers : pourquoi est-ce controversé ?
Le gouvernement suisse vient d'autoriser, le 22 novembre, l'exportation du dioxyde de carbone (CO2), principal gaz à effet de serre lié aux activités humaines, et donc principale cause du réchauffement climatique, en vue de son stockage dans des fonds marins à l'étranger dès 2024. Pourquoi cette technique est-elle si controversée ?
Une technologie "incontournable" ?
En quoi consiste cette technique ? Il s'agit de capter les émissions de dioxyde de carbone à la sortie des cheminées d'usine et à séquestrer ce CO2, après l'avoir liquéfié, dans des réservoirs géologiques sous la mer, à l'étranger donc puisque chacun le sait, la Suisse ne dispose pas d'accès à la mer... Plusieurs dizaines de projets de ce type existent déjà aujourd'hui à travers le monde, comme au Danemark.
Si le Protocole de Londres à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et d'autres matières interdit toute exportation de déchets en vue de leur élimination en mer, le CO2 est-il concerné ? La réponse est non, puisqu'un amendement adopté en 2009 a créé une exception pour le dioxyde de carbone.
Celle qu'on appelle CCS (pour technologie du captage et stockage du CO2) vise à freiner le réchauffement climatique : d'ailleurs, le gouvernement suisse la présente comme "incontournable" pour atteindre ses "objectifs climatiques internationaux et nationaux". Toutefois, les écologistes et les défenseurs de l'environnement sont sceptiques, et le mot est faible.
Objectif "zéro net", vraiment ?
C'est vrai qu'en matière d'objectifs et d'ambitions, la Suisse fait presque figure de bonne élève, puisque lors de la signature de l'Accord de Paris sur le climat, Berne s'était engagé à réduire de 50% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 (par rapport à 1990), avec un objectif plus restrictif encore pour 2050 : une réduction de 70 à 85% !
Mais ce n'est pas tout : en août 2019, cet objectif a encore été revu à la hausse. La Suisse vise maintenant la neutralité carbone dès 2050, un objectif "zéro net", autrement dit zéro émission nette de gaz à effet de serre, le tout ancré dans la "loi climat" approuvée par les Suisses par référendum (la fameuse "votation") le 18 juin dernier avec 59,1% de "oui".
Si elle est complexe et coûteuse, on comprend donc que la technologie de captage et stockage du CO2 s'avère nécessaire pour assurer rapidement la réalisation de cet objectif ambitieux et enrayer le réchauffement climatique. C'est d'ailleurs ce que considèrent le GIEC (groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) et l'Agence internationale de l'énergie.
Alors pourquoi certains écologistes et défenseurs de l'environnement se montrent-ils méfiants et sceptiques ? Tout simplement parce qu'ils considèrent que cette technique pourrait servir de motif à une prolongation de l'exploitation des énergies fossiles. Par ailleurs, on ne peut exclure les risques de fuite, et cela pourrait aussi limiter ou détourner les investissements nécessaires dans les énergies renouvelables...