La "déforestation sous-marine", une source méconnue d'émissions de CO2
Des "dommages irréparables" pour le climat ! C'est ce que cause une source méconnue mais non négligeable d'émissions de dioxyde de carbone : le chalutage des fonds marins. Séquence explications.
Il s'agit d'une pratique dénoncée par les écologistes et les activistes pour le climat, mais son impact sur le réchauffement climatique est peu connu du grand public : le chalutage des fonds marins. Dans une étude publiée dans la revue Frontiers, des chercheurs alertent en effet sur la libération de CO2 générée par cette activité. Et le constat est très inquiétant.
Autant d'émissions que la France !
Le chalutage de fonds marins est une technique de pêche très particulière : grâce à un filet qu'ils traînent le long du fond des océans, les pêcheurs peuvent capturer énormément d'espèces marines, comme la langoustine ou la sole par exemple. Le problème, c'est que cette méthode consomme beaucoup de carburant, mobilise des équipements lourds et récolte tous les êtres vivants sans distinction...
En clair, elle détruit la biodiversité des fonds marins, qui est "le plus grand réservoir de carbone au monde". En raclant les fonds marins, les opérations de chalutage libèrent ainsi du carbone parfois millénaire, enfoui dans les océans. Le travail de ces chercheurs a donc consisté à évaluer le nombre de tonnes de CO2 libérées à cause du chalutage chaque année. Et l'impact est considérable !
Selon l'association de protection des océans Pristine Seas, ce phénomène est "trop important pour être ignoré". Un résultat impressionnant en effet, puisque chaque année, la pêche par chalutage rejette dans l'atmosphère 370 millions de tonnes de dioxyde de carbone ! Cela équivaut quasiment au niveau des émissions annuelles de CO2 de la France (403,8 millions de tonnes équivalent CO2 en 2022).
L'acidification des océans
Ces mêmes chercheurs estiment qu'entre 1996 et 2020, le chalutage de fonds a déjà rejeté dans l'atmosphère entre 8,5 et 9,2 milliards de tonnes de CO2, d'où l'utilisation d'un terme choc, puisque cela cause des "dommages irréparables" pour le climat : ils considèrent le chalutage comme de la "déforestation sous-marine".
Dans le détail, ces scientifiques, emmenés par Trisha Atwood, de l'Utah State University, considèrent que 55 à 60% de CO2 libéré des fonds marins par les chalutiers et actuellement dans l'eau se retrouvera dans l'atmosphère d'ici 9 ans seulement ! Le problème, c'est ce que CO2 a déjà des impacts là où il est, puisque libéré dans l'eau, il provoque une acidification locale des océans, ce qui, cercle vicieux, réduit leur capacité à absorber le carbone.
L'Union européenne avait au début de l'année 2023 commencé à penser l'interdiction du chalutage des fonds des océans dans les aires marines protégées. Un bon début, un minimum syndical salué par les scientifiques et par les associations. Toutefois, face à une levée de boucliers de la profession qui craignait des pertes économiques non compensées, le projet a été abandonné...