Déclassement du loup : allons-nous tuer davantage de loups en France ?
L'Union européenne a pris la décision de déclasser le loup d'espèce naturelle "strictement protégée" à espèce "protégée", un changement de statut qui pourrait avoir de nombreuses conséquences.
Ce mardi 3 décembre, la Convention de Berne a approuvé un déclassement du statut de protection du loup, qui passera donc d'espèce « strictement protégée » à « protégée ». Quelles conséquences cette décision aura-t-elle sur cette espèce en France ?
Une décision prise pour protéger le bétail européen
Ce mardi 3 décembre, les 49 États membres de l'Union européenne réunis à Strasbourg ont donné leur feu vert pour que le loup soit déclassé de son statut d'espèce strictement protégée. Cet amendement entrera en vigueur dans les pays ayant voté en sa faveur dans trois mois, sauf si au moins un tiers des parties à la Convention de Berne (17) s'y oppose, comme l'a précisé l'organe décisionnaire européen.
Cette révision de statut se fonde sur une analyse approfondie du carnivore sur le territoire européen, notamment sur l'augmentation de plus en plus notable de sa population. En effet, en décomptait environ 20 300 individus en Europe en 2023, la plupart situés dans les Balkans, les pays nordiques, en Italie et en Espagne.
D'après Bruxelles, cette expansion serait à l'origine de « difficultés de coexistence avec les activités humaines, notamment en raison de dommages causés au bétail, qui ont atteint des niveaux importants ». Ainsi, l'Union européenne, en révisant le statut du loup, cherche à mieux protéger le bétail de son territoire des attaques répétées et de plus en plus nombreuses de ce carnivore.
Si bon nombre d’agriculteurs français se « réjouissent » de ce nouveau statut, les attaques sur les troupeaux s'étant montrées récurrentes ces dernières années, cette décision ne fait toutefois pas l'unanimité, notamment au niveau des associations environnementales, inquiètes du sort futur du canidé en Europe.
Une grande menace pour cette espèce ?
Jusqu'à aujourd'hui, les loups pouvaient être abattus dans des conditions très précises en France, afin de protéger les troupeaux. Cette espèce, qui avait totalement disparu du territoire français il y a seulement un siècle, est pourtant loin de s'épanouir sereinement sur notre territoire. Par exemple, on ne comptait que 1 003 individus en France en 2023, un chiffre en baisse de 9% par rapport à l'année précédente.
En effet, le risque de rétrograder ce statut de protection est, à terme, de fragiliser voire de provoquer le déclin de cette espèce sur le continent européen. Selon Yann Laurans, « en affaiblissant l'espèce qui est le sommet du système écologique européen, on risque effectivement de fragiliser l'ensemble de la santé, déjà assez peu robuste, de l'écosystème ».
Des conséquences paradoxalement négatives pour le bétail ?
De nombreuses associations craignent que les éleveurs et agriculteurs français « profitent » de ce déclassement pour éliminer bien plus de loups qu'auparavant et ainsi limiter le risque d'attaques sur leur bétail. C'est pour cela qu'il est important que des règles claires soient mises en place très prochainement à l'échelle nationale.
Selon le cofondateur de l'Observatoire du loup, Jean-Luc Valérie, le déclassement du loup n'aura en plus aucune conséquence positive sur le bétail des éleveurs français et européens. En effet, déstabiliser l'organisation sociale très précise des loups par des tirs sporadiques ou l'abatage d'un individu dominant peut déstructurer la meute, augmenter l'agressivité et créer des comportements plus désordonnés, ce qui aurait donc l'effet inverse de celui escompté par l'UE en augmentant le risque d'attaque envers les troupeaux.
Ainsi, plusieurs associations recommandent donc de favoriser la présence de chiens de protection, la surveillance humaine et la pause de clôtures électrifiées pour protéger le bétail plutôt que « d'encourager » les tirs et l'abatage de ce prédateur. Selon l'Observatoire du loup, il est également nécessaire de laisser les élus gérer la situation à l'échelle régionale et même locale et que ces derniers implantent sur leur territoire des personnes formées sur le sujet, afin que ceux-ci puissent renseigner les éleveurs inquiets au sujet de potentielles attaques.
Ceci éviterait que la situation ne « dégénère » et que l'abatage de loups de façon relativement aléatoire se généralise suite à ce déclassement de statut de protection, ce qui pourrait nuire non seulement à cette espèce importante pour l'écosystème européen mais également, et paradoxalement, aux éleveurs et agriculteurs de l'Union européenne.