Changement climatique : la tramontane en voie de disparition ?
En 2022, l'un des vents les plus caractéristiques de l'Occitanie, la tramontane, n'a soufflé que pendant 90 jours du côté de Perpignan, un record à la baisse depuis 40 ans. Le changement climatique menace clairement ce vent de disparition, et c'est une très mauvaise nouvelle pour les écosystèmes de la région.
Malgré la séquence actuelle assez longue de tramontane, qui ne cesse de souffler en Occitanie, et notamment dans le Languedoc, la tendance de fond est inquiétante : en 2022, Météo-France n'a relevé que 90 jours de tramontane dans la région de Perpignan, un record et un plus bas depuis 1981. Dans notre climat futur, que deviendra la tramontane, alors qu'elle est essentielle pour les écosystèmes de la zone ?
La tramontane souffle en moyenne un jour sur trois
"Mistral et tramontane" : ces deux vents sont très souvent l'alpha et l'oméga des bulletins météo à la radio et à la télévision. Mais c'est bien la tramontane qui nous intéresse ici, ce vent de secteur Ouest à Nord-Ouest, soufflant du Lauragais jusqu'au Roussillon et au Sud de l'Hérault, bordé par les Pyrénées et le Massif Central. Lorsque ce vent prend une composante plus Ouest, on l'appelle le cers.
La tramontane souffle en moyenne un jour sur trois dans le Languedoc-Roussillon (un jour étant compté lorsque la tramontane atteint ou dépasse 60 km/h en rafales), plus exactement 122 jours en moyenne à Perpignan et 144 jours à Narbonne (sur la période 1981-2010). Il s'agit d'un vent généralement assez fort, qui dégage le ciel en apportant de l'air plus froid et sec, et qui souffle en toute saison, mais avec généralement plus de force en hiver et au printemps : les rafales peuvent alors atteindre 140 km/h (le record étant 190,8 km/h le 24 janvier 2009 au Cap Béar).
2022 est donc une année exceptionnelle, par la discrétion record de la tramontane du côté de Perpignan : 90 jours de présence seulement, environ un jour sur 4, au plus bas depuis 1981 (et battant le record de 93 jours en 1989). A Narbonne, la tramontane n'a soufflé que pendant 104 jours, approchant le record de 1993 (95 jours). Cela fait trois ans que le nombre de jours de tramontane est en-dessous de la moyenne dans la région, même si on note toutefois une forte variabilité interannuelle (131 jours de tramontane à Perpignan en 2017).
A l'avenir, l'écosystème local menacé...
Le problème, c'est que 2022, marqué par des épisodes de chaleur exceptionnels, n'est qu'un avant-goût de notre climat futur. Toutes les simulations climatiques à l'horizon 2100 montrent une diminution significative de la fréquence et de la durée des périodes de tramontane dans le Languedoc-Roussillon, sans impacter la vitesse des rafales maximales. Une diminution corrélée au réchauffement : d'ailleurs, la tramontane est généralement incompatible avec les vagues de chaleur, compte tenu de la position des centres d'action pendant ces épisodes (une tramontane souffle généralement dans des flux de Nord à Nord-Ouest, ou lorsque l'anticyclone des Açores déborde sur le Golfe de Gascogne).
Toutefois, rien ne dit pour l'instant que la tramontane disparaîtra définitivement. Mais même avec une baisse significative de fréquence, les impacts sur la faune et la flore de la région seront dramatiques, menaçant tout l'équilibre des écosystèmes vivant près de la Méditerranée. En effet, ce vent, qui alourdit et refroidit les eaux de surface, fait remonter des eaux profondes gorgées de nutriments (mais aussi de microalgues) servant de nourriture aux multiples espèces marines. Un processus qui, s'il ralentissait, risquerait à terme d'appauvrir la biodiversité.
Mais cette raréfaction de la tramontane pourrait aussi menacer l'agriculture locale, du fait des propriétés asséchantes de ce vent, qui assurent la vivacité des abricotiers, des cerisiers ou encore des vergers de nectarines. Par ailleurs, un air plus sec limite également les contaminations provoquées par l'humidité. Le président des Jeunes agriculteurs des Pyrénées-Orientales, Pierre Hylari, parle même de la tramontane comme "un médicament naturel" : une raison de plus pour crier "vive le vent" !