Changement climatique : des enfants reçoivent le nom de lieux en danger
C'est une pratique qui se répand de plus en plus dans les îles Marshall. Des parents prénomment leurs enfants en lien avec un site disparu ou en voie de disparition, à cause de la montée des eaux et du réchauffement climatique.
C'est la preuve que le changement climatique peut entraîner une évolution des coutumes même là où on ne l'attend pas... Dans les îles Marshall, de plus en plus de parents prénomment leurs enfants en hommage à un lieu en danger ou en voie de disparition. Il s'agit d'une manière de conserver un lien avec le territoire, même si celui-ci disparaît ou si l'enfant est amené à quitter le pays.
Un archipel fragilisé
Les îles Marshall sont un archipel d'environ un millier de petites îles, situé au beau milieu de l'océan Pacifique central. Il s'agit d'un ancien territoire sous tutelle des États-Unis, désormais République indépendante depuis 1986. Le pays compte près de 55.000 habitants, les trois quarts d'entre-eux vivant dans les centres urbains de Majuro et Ebeye.
Cet archipel est célèbre pour avoir abrité dans les années 1950 et 1960, les essais nucléaires américains. Ces essais militaires ont eu des conséquences très néfastes pour la santé humaine et l'environnement de l'archipel. Ils ont également entraîné la perte de terres et de patrimoine culturel.
Depuis, le pays vit essentiellement des aides financières américaines (elles constituent 70% du PIB). L'économie est tournée vers la pêche et le tourisme mais le réchauffement climatique a largement freiné ce développement. En effet, ces îles faiblement élevées (deux mètres au-dessus du niveau de la mer) et situées en plein milieu du Pacifique font déjà les frais de l'élévation du niveau des océans.
Concrètement, les fortes marées se multiplient et inondent fréquemment les rivages des petites îles. Ces évènements ont un impact direct sur la population puisque les puits d'eau douce sont affectés par la salinité des eaux marines. L'eau potable vient donc à manquer, les épidémies de dengue se multiplient et l'érosion côtière s'accélère.
Une transmission pleine de sens
Face à cette accélération du réchauffement climatique, couplée à de fortes difficultés économiques, les plus jeunes et les plus aisés des habitants des îles Marshall quittent bien souvent l'archipel pour aller s'installer aux États-Unis. En effet, le taux d'emploi est bas et les revenus sont faibles, guère supérieurs à 9.000 dollars annuels.
Pour montrer leur attachement à leurs îles natales, de plus en plus de parents décident donc de prénommer leurs enfants en référence à un atoll disparu ou en voie de l'être. Comme le rapporte The Guardian, la coutume aux îles Marshall est normalement de transmettre le nom d'un ancêtre à son enfant.
Mais de plus en plus de familles dérogent à cette règle parce qu'ils savent qu'il y a de fortes chances pour que leur enfant quitte l'archipel. Ainsi, la poétesse la plus célèbre du pays, Kathy Jetn̄il-Kijiner, a prénommée sa fille Peinam, du nom d'un atoll en voie de disparition. Un autre couple a par exemple appelé son fils Tarlan, du nom d'un ancien atoll bordé de coraux.
Une manière de les relier à jamais à leurs racines, même s'ils devaient partir un jour, ou si la terre devait s'effacer pour la mer.