Canicule marine en Méditerranée : le "gros massacre" des coraux
Une canicule marine en mer Méditerranée menace la biodiversité. Les gorgones - une espèce de corail - ainsi que les éponges sont en train de mourir ébouillantées dans les eaux près de Marseille.
L'été 2022 est le deuxième le plus chaud de l'histoire de la France. En plus de souffrir de la canicule dans les terres, les eaux souffrent aussi d'une vague de chaleur depuis le mois de juillet et notamment en Méditerranée. Une eau tellement chaude qu'on peut la qualifier de "canicule marine". La hausse de la température marine n'est pas sans conséquence sur les écosystèmes...
La Méditerranée est en surchauffe et les scientifiques se sont rendus compte que de très nombreuses colonies de coraux sont décimés : "on a constaté des températures marines anormalement élevées, en surface mais aussi jusqu’à 30 à 40 mètres de profondeur", révèle Sandrine Ruitton, biologiste et chercheuse à l’Institut Méditerranéen d’Océanologie à RadioClassique.Jusqu'à 4 à 6°C au dessus des normales :
À 25 mètres de profondeur, il faisait jusqu'à 28°C, soit 4 à 6°C de plus que la moyenne habituelle. Et à la surface, les températures atteignaient les 30 à 31°C. Depuis plusieurs jours, les plongeurs se succèdent pour observer les paysages dévastés par la hausse des températures.
"On a remarqué une mortalité en hausse chez les gorgones – une forme de corail – et les éponges. Pour la gorgone rouge, on parle d’une mortalité de 100%", précise Sandrine Ruitton. Près de Marseille, au large de l’île Maïre, au cœur du parc national des Calanques, c'est "un massacre, un gros massacre. (...) Tout est mort !", s'affole Tristan Estaque, de l'association Septentrion Environnement.
Une mortalité inquiétante pour Thierry Perez, directeur de recherche au CNRS et à l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Écologie Marine et Continentale : "En 25 ans de travail sur ces sujets, je n’ai jamais observé une mortalité d’une telle intensité". Des colonies de coraux sont anéanties entre 10 et 30 mètres de profondeur.
Des gorgones mortes ou nécrosées...
Les gorgones, aussi appelées coraux cornés, ont de longs filaments de couleur vives (pourpres, jaunes ou violet). Et elles tapissent le fond marin des calanques, comme le révèle FranceBleu et servent d'habitat naturel à de nombreuses espèces marines. La disparition des gorgones est d'autant plus inquiétante car le parc national des calanques abrite entre 15 et 20% des espèces connues en Méditerranée.
"Toute la faune abritée par cette forêt va nécessairement disparaitre ou se déplacer", ajoute Thierry Perez. Une hypothèse déjà confirmée par Tristan Estaque : "Les gorgones sont devenues blanches, et tous les poissons qui s’abritaient ici ne sont plus là. Des éponges commencent à mourir. Des mollusques aussi. On a retrouvé que les coquilles", explique-t-il à 20Minutes.
La subite mortalité des coraux ne peut être assimilée qu'au réchauffement climatique selon Patrick Bonhomme, chargé de mission pêche et gestion de la biodiversité marine au parc national des Calanques : "L'étendue géographique du phénomène n'invite pas à attribuer l'origine des mortalités à une pollution isolée. Tous les indices pointent vers le réchauffement climatique, avec l'augmentation prolongée de la température de l'eau au-delà du seuil de tolérance des espèces, qui provoque une nécrose de leurs tissus".