Quel est l'insecte pollinisateur le plus efficace ? Pas l'abeille !
Aussi étonnant que cela puisse paraître, les abeilles ne sont pas les meilleurs insectes pollinisateurs... Selon des chercheurs britanniques ayant mené une étude sur des mûriers sauvages, les pollinisateurs les plus efficaces sont les papillons de nuit ! Des spécimens pourtant menacés...
Maya l'abeille n'a qu'à bien se tenir ! Des chercheurs britanniques de l'Université du Sussex se sont penchés, dans leur étude publiée dans la revue Plos One, sur l'efficacité des insectes pollinisateurs, en analysant toutes leurs visites sur des mûriers sauvages (appelés aussi "ronces communes"). Et le résultat est saisissant : l'abeille n'est pas le meilleur insecte pollinisateur ! Le grand gagnant est... le papillon de nuit !
Des visites rares, rapides mais efficaces !
C'est pendant l'été 2021 que les auteurs de cette étude ont réalisé cette expérience dans le Sud-Est de l'Angleterre, à l'aide de pièges photographiques disposés près de mûriers sauvages. Ils ont réussi à mesurer la quantité de pollen déposée sur le pistil de 480 fleurs par tous les insectes pollinisateurs de la zone. Alors que les papillons de nuit ne représentent que 15% des visites sur les fleurs, contre 83% pour les insectes diurnes, comme les abeilles, ceux qu'on appelle aussi les "hétérocères" disposent cependant bien davantage de pollen sur les pistils, de plus en un temps bien plus réduit.
Conclusion : les papillons de nuit sont des pollinisateurs bien plus efficaces que les abeilles, puisqu'ils pollinisent les fleurs plus rapidement, avec donc à la clé une production de fruits (ici, des mûres sauvages) multipliée et plus abondante. L'enjeu n'est évidemment pas de diminuer le rôle actif des abeilles, mais simplement de se focaliser sur les insectes nocturnes, souvent oubliés des travaux consacrés aux pollinisateurs. Les espèces de papillons de nuit sont d'ailleurs environ 4.750 en France, loin devant les papillons de jour (250 espèces seulement environ).
Les papillons en danger : inexorable ?
A cette performance remarquable doit toutefois s'adjoindre un tableau bien plus noir : la population des papillons de nuit est actuellement en déclin au Royaume-Uni, selon les scientifiques (le constat est vrai ailleurs également). Cela affecte certes le processus de pollinisation, mais aussi toute la chaîne alimentaire, avec la disparition d'une source de nourriture pour certains oiseaux et les chauves-souris.
La première menace est notamment l'arrachage des ronces (ou des mûriers sauvages), souvent considérées comme des plantes indésirables, ce qui les empêche de fleurir, et donc de nourrir les papillons de nuit. La boucle infernale est donc bouclée, et tout ceci s'inscrit dans un contexte où les insectes pollinisateurs sont déjà en déclin à cause du réchauffement climatique et de l'agriculture intensive, alors qu'ils sont pourtant essentiels dans le processus de reproduction des plantes.
Alors que 40% des papillons ont déjà disparu en Europe, chacun va devoir agir à son échelle pour prendre des mesures de préservation de ces insectes. Permettre aux ronciers de fleurir (et donc ne plus les détruire) est la première des solutions, mais il est aussi possible d'en faire pousser dans son jardin. L'autre piste intéressante consiste à éteindre les éclairages et les lumières la nuit pour éviter à ces papillons de tomber dans des pièges mortels. L'idéal serait évidemment de mettre un coup d'arrêt à l'agriculture intensive... Vole, vole, petit papillon !